La fabrique des abrutis – CPD pour PCD

La « Child Presence Detection » vient au secours des Parents Complètement Distraits, qui... oublient leur progéniture dans la voiture !

Un sourire d’ange, qui par la distraction des parents, peut dans une voiture transformée en four, monter rapidement au ciel... Foto: Szymon Joymaster / Wikimedia Commons / PD

(Jean-Marc Claus) – Vous l’avez même pas imaginée en rêve, mais la technologie l’a faite pour vous : une application vous rappelant via votre smartphone, la présence de votre enfant dans votre voiture lorsque vous la quittez, et suprême garantie, après avoir  déclenché au signale sonore, visuel ou haptique pour vous alerter en dix secondes seulement, peut mettre le moteur en marche pour lancer la climatisation. En somme l’intelligence artificielle (IA) vient au secours de la bêtise consumériste, consumériste et non naturelle, car nos lointains ancêtres prenaient soin de leur progéniture, qui était la garantie de la survie et de la perpétuation de l’espèce.

Mieux encore, d’ici 2025, le programme Euro NCAP va attribuer des points aux véhicules équipés d’un système apte à détecter les signes vitaux d’enfants laissés sans surveillance dans leur habitacle. Technologie particulièrement performante, car en mesure de percevoir les mouvements les plus infimes comme ceux de la poitrine d’un nourrisson lorsqu’il respire, que ce dernier soit installé dans les normes sur son siège ad hoc ou masqué par une couverture ou même caché sur le plancher. C’est proprement fan-tas-ti-que ! A n’en pas douter, lorsque tous les véhicules seront équipés de ce merveilleux système, plus aucun enfant ne mourra d’hyperthermie dans l’habitacle d’une voiture !

Mais comment en sommes-nous arrivés là ? Comment et surtout pourquoi, car le comment reste facilement identifiable et traçable dans l’histoire de l’Humanité. Le pourquoi, quant à lui, divise les technology addicts et les Pierrafeu nostalgiques, les premiers refusant de baigner le bébé et les seconds le jetant avec l’eau du bain. Pourquoi en arrive-t’on au XXIe siècle, à oublier un enfant dans un véhicule garé en plein soleil ou même dans un garage ? Question subsidiaire : pourquoi faut-il recourir à la technologie pour parer à de tels oublis ? L’inversion de l’échelle des valeurs, dont la traduction dans le monde politique, n’est que la partie émergée de l’irberg (entendez irresponsability-iceberg), touche toutes les classes de la société.

Lorsqu’on fait une revue de presse des articles rapportant le décès d’un enfant oublié dans une voiture, ou dans le meilleur des cas son sauvetage, force est de constater qu’il n’y a jusqu’à preuve du contraire, pas vraiment de profil type de parents oublieux. Donc, exit les donneurs de leçons magistrales et les adeptes de la stigmatisation facile, mais il n’en demeure pas moins vrai que de tels agissements irresponsables, restent condamnables car à vouloir tout excuser, on finit par ne plus rien sanctionner. Le chercheur étasunien David M. Diamond a notamment étudié ce qu’il est désormais convenu de nommer « syndrome du bébé oublié ». Selon lui, toute personne est capable d’oublier un bébé dans une voiture. Ce qui tend à confirmer l’inexistence de profil type de parent oublieux, et par conséquent donne à réfléchir…

Selon ses recherches, ces situations dramatiques sont la conséquence d’un dysfonctionnement cognitif ponctuel. Les noyaux gris, opérant au niveau du subconscient, qui nous permettent de réaliser certains actes de façon automatique, entrent en concurrence avec l’hippocampe et le cortex frontal travaillant de concert pour en conscience, intégrer de nouvelles données et planifier les actions à venir. Ainsi, lorsque pour le parent, le trajet avec enfant ne fait pas partie d’un rituel apte à générer des automatismes, mais pire encore, s’ajoute à un itinéraire comportant d’autres automatismes, si l’enfant ne se manifeste pas, il peut être vite oublié. A encore plus fortes raisons, lorsque le parent occupe son cortex frontal et son hippocampe à se projeter dans l’activité qui l’attend à l’arrivée ou même toute autre chose. De plus, le stress et le manque de sommeil, facteurs aggravants, mettent l’hippocampe et le cortex frontal en difficulté au point de ne pas intégrer des nouvelles informations, comme la présence de l’enfant à bord.

Ce qui d’un point de vue légal et médico-légal, revient à qualifier le syndrome du bébé oublié d’homicide involontaire. Mais il y a tout de même mort d’homme. Or, comme pour les accidents de la route causés par la consommation d’alcool ou de stupéfiants, requalifiés récemment en France en homicides routiers, il serait intéressant de reconsidérer les suites judiciaires à donner à une affaire de bébé oublié. Reconsidérer à la lumière de l’apport des neurosciences, mais aussi de nos modes de vies dans lesquels la hiérarchisation des tâches est impactée de plein fouet par l’inversion de l’échelle des valeurs. Jusqu’à preuve du contraire, ce ne sont pas les noyaux gris qui décident de nos priorités, et se laisser le tandem cortex frontal – hippocampe abrutir par de l’accessoire, comme notre existence dans le monde virtuel ou toute autre distraction, relève bien d’un choix conscient.

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