Canaries : le déconfinement est en marche…

El Matriarcado, sculpture réalisée par le canarien Victor Navarro Guedes et installée à Santa LucÍa de Tirajana sur l'île de Gran Canaria. Foto: H. Zell / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Jean-Marc Claus) – Archipel pressenti pour être, en quelque sorte, un laboratoire du déconfinement, les Canaries sont la première communauté autonome espagnole à se déclarer, pour certaines îles, « libre de Covid-19 ». Ainsi La Gomera, qui fut le premier territoire du pays à enregistrer un cas positif en février 2020, annonçait le 23 avril 2020 qu’elle n’enregistrait plus de cas actifs. 17 personnes y avaient été soignées avec succès, et l’île, à l’instar d’El Hiero et de Fuerteventura, n’a pas à déplorer de décès suite à cette affection.

Autant d’éléments qui poussent à l’optimisme. Un optimisme néanmoins raisonnable et prudent car, selon Casimiro Curbelo (ASG) qui préside le Cabildo Insular gouvernant l’île, il est d’abord question de lever dans un premier temps les mesures restreignant la circulation intra-insulaire. Pour ce qui est des transferts d’île à île, la situation épidémiologique variant de l’une à l’autre, l’heure n’est pas encore aux déplacements sans contraintes. Il faut savoir que pour beaucoup de Canariens, prendre le ferry pour aller d’une île à l’autre est assimilable à prendre le bus dans une grande métropole, des tarifs particuliers permettant aux insulaires de se déplacer relativement facilement.

Cette stratégie de déconfinement progressif s’articule avec une volonté de relance de l’économie, ici cruellement affectée par la pandémie. L’économie canarienne table beaucoup sur le tourisme, mais pas que, comme nous l’avions exposé dans un article sur… la banane. Avec beaucoup de sagesse, Casimiro Curbelo insiste bien sur la nécessité de ne pas baisser la garde, en soulignant que la réactivation des secteurs productifs va de pair avec la sécurité.

Le 20 avril 2020, Ángel Víctot Torres (PSOE) qui préside le gouvernement de la communauté autonome, c.à.d de toutes les îles, avait souligné que l’archipel ne pouvait pas demeurer jusqu’à la fin de l’année sans ouvrir ses hôtels. Dans le même ordre d’idées, Yaiza Castilla (ASG), ministre du Tourisme, de l’Industrie et du Commerce, disait : « Les Îles Canaries doivent être un laboratoire mondial de la sécurité touristique. ». Aussi est-il question de relancer le tourisme progressivement et par trois cercles concentriques : le local, puis le national, et enfin l’international.

A El Hiero, Alpidio Armas (PSOE), qui préside le Cabildo Insular, annonçait dès le 21 avril 2020 l’île « libre de Covid-19 » . Il envisage alors de rouvrir les accès aux plages et aux bars en mai. Cela fait plusieurs semaines qu’aucune contagion n’est recensée à El Hiero, La Gomera et La Graciosa. Cette dernière, petite île rattachée à Lanzarote mais ambitionnant de devenir la 8ème de l’archipel, est en effet « totalmente sin Covid-19 » depuis le début. Ses 737 habitants vivant sur 29 km² accueillent effectivement chaque année des touristes, mais le lieu est plus propice à la méditation et à la déconnexion qu’au combo playa y fiesta. Ce qui peut tout de même s’avérer intéressant, notamment dans le contexte de surmédiatisation et d’hyperconnexion où nous vivons ces derniers mois…

Que l’on regarde d’un côté comme de l’autre de l’archipel, autant l’impact de la pandémie sur l’économie est-il déploré, autant les stratégies de déconfinement et les projections dans l’après sont élaborées avec sagesse. Cette sagesse représentée en 2011 par le sculpteur canarien Victor Navarro Guedes, dans « El Matriarcado» où l’on voit, sur un banc public, un chat et un chien s’y taquinant, une grand-mère en tenue traditionnelle assise à côté d’une enfant, cette dernière tenant grand ouvert un livre d’où monte un champignon. Le champ des interprétations de cette œuvre restant très large, il n’est pas interdit d’y voir aussi une allégorie de la société canarienne, héritière de cette sagesse propre à nombre de sociétés insulaires, sachant associer solidarité et inventivité…