La fabrique des abrutis – Nouvelle tartuferie audiovisuelle

« Couvrez ces portraits politiques que je ne saurais voir. Par de pareils objets les âmes sont blessées. Et cela fait venir de coupables pensées », aurait pu dire la direction de France Télévision à l’équipe de « Complément d’enquête ».

Seule une presse libre et respectueuse de la charte de Munich, peut contribuer à la formation de citoyens libres. Foto: Tony Webster / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(Jean-Marc Claus) – Fin janvier, la rédaction de l’excellent magazine de journalisme d’investigation « Complément d’enquête », diffusé sur France 2 et rediffusé sur TV5 Québec Canada ainsi que TV5 Monde, était sommée par France Télévision de mettre en pause ses portraits politiques. Une décision d’autant plus étonnante, que l’émission accumule les records d’audience. Mais à y regarder de près, est-ce vraiment étonnant ?

Petit rappel : à la rentrée 2021, l’arrivée de cinq nouveaux éditorialistes politiquement marqués, dans le 7-9 de France Inter pour un rendez-vous quotidien intitulé « En toute subjectivité », remplaçant la chronique « Environnement », faisait déjà grincer des dents. Notamment celles de la Société des Journalistes de la station, démontant l’argumentaire de Laurence Bloch qui y voyait une boite à outils permettant aux auditeurs de se forger une opinion en vue des élections de 2022. Or, une chronique intitulée « En toute subjectivité », n’a par nature rien d’objectivement pédagogique !

Tantôt accusé de gauchisation, tantôt soupçonné de droitisation, l’audiovisuel public est régulièrement la cible de critiques, plus ou moins fondées selon justement le degré de subjectivité de ceux qui l’attaquent. Mais lorsque la direction d’une chaîne ou d’une antenne, demande à une équipe de journalisme d’investigation de mettre la pédale douce, il y a tout lieu, sans verser pour autant dans la paranoïa, de se questionner sur l’identité réelle du ou des donneurs d’ordre.

Alexandre Kara, directeur de l’information de France Télévision, soucieux du pluralisme durant la campagne des Élections Européennes à venir, veut laisser la priorité de la couverture politique aux émissions de débats. Dont acte : ça sera comme au stands des camelots de la Foire Européenne, le plus éloquent et le plus persuasif qui emportera la vente. Vente pour laquelle toutes les demi-heures il est annoncé avec fracas, que les dix derniers articles restants en stock, vont être vendus à un prix défiant toute concurrence. On connaît tous la chanson, mais pourtant ça marche à chaque fois…

Il serait grand temps de revenir à la Charte de Munich, référence déontologique européenne relative au journalisme qui en 1971, établit dix devoirs et cinq droits. Rédigée au décours du Congrès de la Fédération Internationale des Journalistes (FIJ) de 1968, par un collectif de syndicats de journalistes français, belges et allemands, cette charte a pour ambition d’affranchir les médias des pressions politiques et de la mainmise des puissances d’argent.

Bien que le terme n’existait pas encore à l’époque, elle s’oppose clairement aux actuels « alternative facts », dont raffolent complotistes et mouvements politiques d’extrême-droite et aussi d’extrême-gauche. Par ailleurs, elle souligne que le métier de journaliste ne doit pas être confondu avec celui de publicitaire ou de propagandiste, et précise qu’aucune consigne directe ou indirecte venant des annonceurs, n’est acceptable. Mais nous sommes aujourd’hui bien loin de la presse indépendante, voulue par le Conseil National de la Résistance (CNR), et des ordonnances de 1944.

Le financement des médias français donne, comme le montre le Monde Diplomatique une idée plutôt précise de leur degré de liberté. Certains quotidiens, tels qu’Eurojournalist(e), appartenant à celles et ceux qui les font vivre, refusent toute compromission pour conserver leur indépendance. Mais sans leurs lecteurs, ils perdent toute raison d’être. Alors lisez et faites connaître cette presse refusant toute pression, et s’adressant à ceux qui ont quelque chose entre les oreilles…

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