L’autorité de la démocratie

Le Président français Emmanuel Macron a passé son « Grand Oral » devant le Parlement Européen avec facilité. Comme toujours. Et sans trop s’aventurer dans le monde concret.

Hier matin, au Parlement Européen, Emmanuel Macron a passé son "oral européen". Foto: ScSh EJ

(KL) – Le Président français Emmanuel Macron dispose d’un talent que l’ensemble des hommes et des femmes politiques du monde lui envient – il sait construire et délivrer ses discours de façon à ce que chacun y retrouve ce qu’il attend. Devant le Parlement Européen à Strasbourg, il s’est présenté comme le nouvel homme fort de l’Europe, le porteur d’espoir. En même temps, il a lancé, avec le concours d’un Jean-Claude Juncker aux paroles déplacées comme si souvent, la campagne des élections européennes en 2019. Et il aura réussi à démontrer à ses adversaires politiques qu’ils n’ont pas tort en soulignant qu’il y a un clivage énorme entre le discours du président et son action dans la politique quotidienne. Donc, tout le monde s’est vu conforté par le passage d’Emmanuel Macron dans l’hémicycle strasbourgeois.

Bien entendu, Emmanuel Macron a ouvert son discours par une vibrante déclaration d’amour pour l’Europe. En évitant soigneusement le terme « Europe fédérale », Macron s’est fait le chantre d’une Europe sociale, d’une Europe solidaire, d’un « modèle Europe » qu’il conviendrait d’adapter aux réalités du monde d’aujourd’hui. Avec, en prime, quelque phrases pour une anthologie des aphorismes politiques : « La réponse n’est pas une démocratie autoritaire, mais l’autorité de la démocratie ». Belle, cette phrase. A l’occasion, il pourrait l’expliquer aux cheminots, retraités et étudiants français.

Emmanuel Macron avait parfaitement raison de rappeler aux eurodéputés le devoir européen dans l’accueil des réfugiés, en demandant la mise en œuvre d’un budget européen destiné aux collectivités qui accueillent des réfugiés. Mais il est facile de pointer les Etats de Visegrad du doigt lorsque l’on est soi-même loin d’organiser un accueil digne et intégratif des réfugiés, victimes des guerres et guerres civiles pour lesquels on fournit les armes, comme l’a souligné Philippe Lamberts (Verts) qui a posé la question où se trouvaient les valeurs « Liberté, Egalité, Fraternité » dans la politique française actuelle. Et, pour montrer qu’il ne fallait pas uniquement chouchouter les « premiers de la cordée » en facilitant la vie aux plus riches, dans l’espoir que ceux-ci tirent toute la cordée vers le haut, Lamberts a offert une corde d’escalade à Emmanuel Macron pour lui dire que dans une cordée, l’élément le plus important n’est pas le premier de la cordée, mais la corde elle-même. La cohésion sociale, quoi.

Emmanuel Macron a beaucoup utilisé le terme « souveraineté européenne ». Ainsi, il souhaite de ses vœux une souveraineté écologique, commerciale, sécuritaire, énergétique et numérique. Oui, bien sûr, il faut que l’Europe fasse bloc par rapport à ce que le président français qualifie de « désordre du monde ». Reste la question de savoir pourquoi il a préféré faire cavalier seul (avec Donald Trump et Theresa May, mais sans avoir consulté les partenaires européens) dans les bombardements de Douma en Syrie.

Et on aimerait savoir pourquoi Jean-Claude Juncker, l’un des grands responsables de toutes les crises européennes actuelles, a estimé nécessaire de soutenir la campagne électorale d’Emmanuel Macron en vue des élections européennes en 2019 en lançant : « La vraie France est de retour au Parlement Européen ! ». Ah bon ? La France était absente du Parlement Européen ? Pendant les années Sarkozy-Hollande, la France n’était pas la vraie France et maintenant, sous Emmanuel Macron, la France redevient la France ? Il y a des moments où on aimerait bien que Jean-Claude Juncker parte enfin à la retraite.

Donc, aujourd’hui, tout le monde est content. Les « marcheurs », parce qu’ils ont entendu ce qu’ils prennent pour un grand discours européen, les « non-marcheurs » parce qu’ils se voient confirmés dans leur crainte que le président français ne serait rien d’autre qu’un maître de la communication politique, les autres pays européens car ils pensent que Macron fera vraiment avancer l’Europe. Et ainsi, le « Grand Oral » aura effectivement été un succès pour Emmanuel Macron. L’Europe, elle, devra encore attendre avant de voir des jours meilleurs…

2 Kommentare zu L’autorité de la démocratie

  1. Yveline MOEGLEN // 18. April 2018 um 1:09 // Antworten

    Emmanuel MACRON sera très probablement le premier président d’une UE revisitée. ….

    • Eurojournalist(e) // 18. April 2018 um 20:12 // Antworten

      Yveline, désolé de le dire, mais à l’extérieur de la France, Emmanuel Macron n’est pas autant adulé qu’en France. Au contraire, plus ça va, plus les Européens le regardent avec une certaine méfiance. L’intervention de Philippe Lamberts hier au PE résumait assez bien ce que les gens pensent dans la plupart des pays européens – ce n’est qu’en France qu’on ferme les yeux devant le clivage entre les annonces faites et les réalités sur le terrain. Si on ne peut que souhaiter que son action soit couronnée de succès, force est de constater qu’il manquera cruellement de partenaires européens pour mener les réformes européennes – donc, EM comme premier président d’une UE revisité, c’est audacieux comme prognostic… la bise !

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