Le conquistador normand

Peu de gens le savent, mais la conquête des Îles Canaries que se disputèrent un temps Espagnols et Portugais, s’est en partie opérée par le truchement d’un seigneur normand nommé Jean de Bethencourt.

L’arrivée de Jean de Bethencourt à Lanzarote n’est pas sans rappeler celle de Christophe Colomb aux Amériques. Foto: Ambroise Louis Garneray / Wikimedia Commons / PD

(Jean-Marc Claus) – Béthencourt n’est pas un patronyme inconnu du grand public. En France vivent Liliane et Françoise, mère et fille particulièrement fortunées, notamment grâce à une marque de cosmétiques, mais aussi avec une orthographe homo-phonique et il y a aussi Íngrid, la controversée otage franco-colombienne détenue par les FARC de 2002 à 2008. Nom originaire du nord de la France, Betancourt a connu plusieurs variantes et traversé l’Océan Atlantique, après être descendu jusqu’à la Péninsule Ibérique.

Liliane, Françoise et Íngrid ont pour ancêtre commun Jean de Bethencourt, seigneur normand à cheval sur les XIVe et XVe siècles, dont la lignée remonte au XIIe et une des branches a pris au XVIIe siècle le chemin des Amériques. Or, la Couronne d’Espagne doit à Jean de Béthencourt la conquête des Îles Canaries, habitées depuis l’Antiquité par des tribus d’origines berbères, les Guanches que les Européens découvrirent à la fin du XIIe siècle.

Un peuple qui mit en échec les premières tentatives de conquête menées par les Espagnols, dans la première moitié du XIVe siècle. C’est là qu’intervint Jean de Bethencourt, un navigateur et aventurier normand, qui y tenta sa chance en 1402 et conquit Lanzarote. Voulant rafler aussi l’île voisine de Fuerteventura, où les indigènes plus nombreux s’étaient montrés résistants, il partit chercher du renfort en France. Mais Charles VI n’étant pas enclin à l’aider sur la Péninsule Ibérique, Henri III saisissant l’importance géopolitique d’une telle conquête, lui fournit soutien en échange d’allégeance.

Portant alors le titre de Roi et Seigneur des Canaries, vassal d’Henri III, Roi de Castille, de Léon, de Galice, de Tolède, de Séville et de Murcie, Jean de Bethencourt poursuivit en 1404 son « œuvre » de conquistador en soumettant Fuerteventura, La Gomera et El Hiero. Mais l’histoire ne s’arrête pas là, car en 1418, il revendit l’archipel à la Castille, pour retourner vivre en Normandie. Espagnols et Portugais se disputèrent ces îles jusqu’à ce qu’en 1479, le Traité d’Alcáçovas-Toledo les attribue à l’Espagne et dédommage le Portugal en lui donnant l’Archipel de Madère.

Ces deux archipels placés alors sur les routes des Indes et de l’Afrique Australe, avaient alors une importance stratégique. Jean de Bethencourt était parti à la conquête des Canaries avec « en poche » la bulle pontificale Apostalus Officium, promettant des faveurs spirituelles aux conquérants de ces îles restant à christianiser. Mais il y avait à cette expédition, un motif économique particulièrement intéressant : l’orseille. Une substance tinctoriale extraite d’un lichen nommé Roncella Tinctoria présent dans toutes les îles de la Macronésie, soit les Archipels des Açores, de Madère et des Canaries. Or, en Normandie, à Grainville-la-Teinturière où est né Jean de Béthencourt, les artisans du textile faisaient grand usage de l’orseille

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