Ofer Cassif – visé par qui et pour quoi ?

Quel signal nous envoie en Europe, le fait qu’un député de la Knesset y soit menacé d’exclusion, au motif qu’il soutient la plainte déposée à la Cour Internationale de Justice de La Haye par l’Afrique du Sud à l’encontre de l’État d’Israël ?

Ofer Cassif, un député de terrain. Foto: שי קנדלר/ Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Jean-Marc Claus) – Dans les semaines à venir, une motion portée par 80 députés, sera examinée à la Knesset. Son objet est la destitution d’Ofer Cassif, membre de Hadash-Ta’al, une coalition de deux partis arabes israéliens titulaire de 5 sur les 120 sièges de l’Assemblée. Le soutien public du député communiste, à la plainte déposée à la Cour Internationale de Justice de La Haye par l’Afrique du Sud, à l’encontre de l’État d’Israël pour « actes de génocide », est qualifié de trahison.

Prise de position d’autant plus inacceptable pour certains, qu’Ofer Cassif est le seul député juif de Hadash-Ta’al, mouvement aussi nommé « Front Démocratique pour la Paix et l’Égalité ». Un intitulé particulièrement bien inspiré quant à l’ordre ce ses trois derniers mots, car sans la paix il n’y a pas d’égalité. Preuve en est cette motion, qui nous renvoie notamment à ce qu’Élie Halévy soulignait en 1936 dans « L’Ère des tyrannies » .

A savoir que l’étatisation de la pensée en situation de crise, aux premiers temps de la Grande Guerre, avait pris deux formes : « l’une négative, par la négation de toutes les expressions d’une pensée jugée défavorable à l’intérêt national, l’autre positive par ce que nous appellerons l’organisation de l’enthousiasme. ». Pour l’enthousiasme, seuls les députés de la droite à l’extrême-droite, partagent sans réserve ce point de vue à propos des opérations militaires en cours dans la Bande de Gaza. Quant à « la négation de toutes les expressions d’une pensée jugée défavorable à l’intérêt national », nous y sommes. Or, qui a lancé cette procédure contre Ofer Cassif ? L’ex-ministre et actuel député Oder Forer, membre du parti Israël Beytenou (« Israël notre maison ») classé à l’extrême-droite.

Un parti qui prône entre autres, l’expulsion des arabes israéliens vers les territoires palestiniens. Depuis sa création en 1999, Israël Beytenou, qui a obtenu au maximum 15 sièges à la Knesset en 2009 et au minimum 3 en 2003, en détient actuellement 6. Mais il n’a pas été difficile à Oder Forer, de réunir assez de signatures pour que sa motion permette d’aller vers l’engagement une procédure à l’encontre d’un député, non seulement porteur « d’une pensée jugée défavorable à l’intérêt national », mais surtout l’exprimant publiquement.

Le point de vue d’Ofer Cassif lui appartient, et en le rendant public, il représente aussi une partie de la population israélienne, même minoritaire quant aux résultats de Hadash-Ta’al aux législatives de novembre 2022. La démarcheengagée contre lui, par le courant nationaliste israélien, nous renvoie non seulement à ce qu’Élie Halévy écrivait à propos de la Première Guerre Mondiale, mais aussi à ce qui se passe dans les pays où l’extrême droite parvient à des niveaux suffisamment élevés du pouvoir, pour être en mesure de faire taire toute opposition.

La procédure dont Ofer Cassif risque d’être l’objet n’est pas encore arrivée à son terme, et même si comme le veut la Loi Fondamentale, 75% des membres de la Knesset votent à terme pour son expulsion de l’Assemblée, reste toujours possible un recours à la Haute Cour de Justice. Une instance qui n’est pas vraiment en phase avec les options du Benjamin Netanyahou et ses comparses nationalistes.

Mais au-delà de ce qui se passe en Israël, la question du pluralisme démocratique, dans une Europe qui tomberait aux mains des nationalistes et plus particulièrement d’une France dirigée par le Rassemblement National ex Front National, se pose avec toujours plus d’acuité. Trump, Bolsonaro, Milei, Poutine, Orban sont des modèles pour ceux qui par nationalisme cultivent la haine des autres, et prétendent aimer leur pays, alors qu’ils le mettent sur la voie des régressions sociales, voulues par les puissances d’argent qui les soutiennent à l’insu du plein gré de la plupart de leurs électeurs.

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