Parlons un peu laïcité…

La laïcité, principe essentiel de la démocratie en France, est de plus en plus malmenée, souvent par ceux qui s’en défendent, mais aussi par ceux qui la défendent, quand elle n’est pas instrumentalisée à des fins purement électoralistes.

Trois ouvrages susceptibles d’élever le débat et d’élargir l’horizon. Foto: Jean-Marc Claus / CC-BY 2.0

(Jean-Marc Claus) – Aujourd’hui instrumentalisée par certains et combattue par d’autres, la laïcité n’a, depuis 1905, jamais été autant l’objet d’une prise d’otage conceptuelle. Conceptuelle et non intellectuelle, car autant les laïcards que les culs-bénits, sont-ils dépourvus de rigueur et d’honnêteté intellectuelles. 1905 pour la loi concernant la séparation des Églises et de l’État, mais aussi 1789 pour la mise à disposition des biens du clergé à la Nation par la Constituante et 1795 pour la première séparation entre les Églises et l’État.

Ainsi, de par l’Histoire, derrière le mot laïcité se tapissent des termes aussi contradictoires que vol, violence, émancipation, libération. Or, « La laïcité n’est pas ce que vous croyez », comme l’écrit Pierre Dharréville dans un excellent ouvrage de synthèse et de réflexion publié aux Éditions de l’Atelier, qui aura l’an prochain dix ans, mais ne prendra pas une ride. Le sujet d’une actualité toujours plus brûlante, nécessite d’autant plus d’être abordé en gardant le plus possible la tête froide.

L’auteur, journaliste et écrivain, voit dans la laïcité un principe politique révolutionnaire en cela qu’elle ne vise pas à l’éradication des religions, mais à l’émancipation de l’État de leur influence. Une théocratie n’est pas une démocratie, et pour qui n’en est pas convaincu, il suffit de regarder autant du côté de l’Iran que du Vatican. Pierre Dharréville développe, en questionnant sur ce qu’est la laïcité, poursuit en revenant sur les grandes étapes historiques de ce principe et termine avec le défi laïque. Soit 140 pages d’une lecture des moins ennuyeuses, car aux références multiples et donc l’exact opposé d’un brûlot militant mal dégrossi.

Dans un plus petit format, signé par l’historien Jean Baubérot préfacier du précédent et la sociologue Micheline Milot, La Documentation Française publiait en 2021 « Parlons laïcité en 30 questions ». Un ouvrage de 90 pages bien structuré, avec sur chaque double-page, une question et sa réponse. Et quelles questions ! On y parle notamment des exigences de la laïcité à l’école et à l’hôpital publics, de l’enseignement laïque du fait religieux, de la sécularisation dans la vie publique, de l’égalité des sexes et de la liberté de conscience, mais aussi de l’euro-compatibilité de la laïcité française et de ses diverses formes dans le monde. L’Islam, mis en avant par certains comme une menace pour la société, fait l’objet de deux questions traitées posément.

Pour les légalistes et les procéduriers, Michel Miaille professeur honoraire de droit à l’Université de Montpellier, a publié chez Dalloz « La laïcité ». Un mini-ouvrage de néanmoins 312 pages, dont la 4ème réédition remontant à 2020, rassemble histoire de la laïcité en France, principaux textes la régissant et questionnement pour le temps présent. Ce format poche ultra-compact devrait faire partie du paquetage de tous les élu(e)s de la République, car il peut être considéré comme un ouvrage de référence. A l’opposé des Codes Dalloz, réputés pour leur aridité, ce livre fondé sur le droit, demeure agréable à lire grâce à l’éloquence de son auteur.

« La laïcité n’est pas ce que vous croyez », « Parlons laïcité en 30 questions » et « La laïcité » édition 2020, trois ouvrages qui informent et donnent à réfléchir, soit l’exacte démarche de qui veut faire preuve de rigueur et d’honnêteté intellectuelles, pour aborder sereinement un sujet devenu très sensible et ne pas se laisser abuser par les forces politiques ou religieuses qui l’instrumentalisent à des fins purement électoralistes ou prosélytistes.

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