Pour un Gérard, combien de paires d’yeux ?

Combien de paires d’yeux se ferment et/ou se détournent, alors que des femmes lambda sont victimes de harcèlement moral et/ou sexuel et/ou de violences sexistes et/ou sexuelles, perpétrés par des hommes lambda ?

Il y a dix ans, Gérard Depardieu était reçu par Vladimir Poutine à Sotchi - un sommet de la bassesse... Foto: Kremlin.ru / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Jean-Marc Claus) – Séparer l’œuvre de son auteur, l’artiste de sa personne, relève d’un exercice de haute voltige intellectuelle et morale. Pour ne pas aller par quatre chemins, il faudrait alors afin d’apprécier ses toiles, reconnaître exclusivement son talent d’aquarelliste à Adolf Hitler, et donc fermer les yeux sur la Shoah, l’Opération Barbarossa, l’Aktion T4 et plus globalement, les 60 millions de morts de la IIe Guerre Mondiale. Évidemment Gégé, comme il se fait appeler, reste pour certains un petit joueur, à côté du plus grand criminel de guerre que l’Histoire a connu jusqu’ici. Mais à compter du moment où les exactions d’un individu, brisent la vie d’un seul être humain, c’est à toute l’Humanité qu’il est porté atteinte, et s’en défendre en y opposant une logique comptable, relève alors de la pire inhumanité.

L’Affaire Depardieu, puisque c’est ainsi que la nomment certains titres de presse, ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. Si sa médiatisation, avec pour risque le tribunal des réseaux sociaux, était nécessaire afin de briser l’omerta, qu’en est-il des anonymes qui harcèlent et violentent, des femmes tout aussi anonymes ? Et quand l’une ou l’autre de ces femmes, poussée à bout et en état de légitime défense permanente, commet l’irréparable, elle se retrouve incarcérée au même régime qu’une « simple criminelle » de droit commun. Mais personne ne se pose jamais la question, de savoir ce qui « fabrique » les Jacqueline Sauvage, ce qui conduit à des situations aussi tragiques, possiblement évitables si un réel travail d’éducation et de prévention avait été réalisé en amont.

Un élément de réponse peut être justement, cette tendance encore aujourd’hui trop présente, de détourner ou même de fermer les yeux, lorsqu’une femme est l’objet de propos déplacés voire d’une impertinente assiduité. Le respect commence dès le premier regard, dès les premières paroles, et rien n’autorise pour quelque motif que ce soit, de s’en exonérer. Il est particulièrement choquant, dans une société se prétendant civilisée, de voir des hommes, quelque soit leur statut social, se comporter avec les femmes comme si leurs cerveaux baignaient en permanence dans une décoction de crétinus vulgaris, plante invasive se développant sous toutes les latitudes et ne craignant pas l’altitude.

Quand bien même, comme le rapporte son ex-compagne Carole Bouquet, Gérard Depardieu ne se comportait pas avec elle comme un barbare, chose au demeurant fort possible, il n’en reste pas moins vrai que les témoignages d’autres femmes qui osent enfin parler, disent l’exact contraire. Pour une victime d’agressions sexuelles ou de viol, il n’y a rien de pire, que de ne pas être entendue lorsqu’elle témoigne. Afin que s’applique la justice, toute plainte doit être instruite à charge et à décharge, pour respecter tant les droits de la victime que ceux du « présumé coupable », et cela commence dès sa consignation au commissariat ou à la gendarmerie.

S’il est devenu courant de parler de culture du viol, combien est-il plus que nécessaire, de ne pas passer sous silence la culture de l’irrespect, dont elle découle forcément. Que Gérard Depardieu soit un grand professionnel, dans le domaine artistique où il excelle, ne le dispense pas de se montrer respectueux envers les femmes, toutes les femmes. Il en va de même pour Monsieur Untel, talentueux ou non, connu ou inconnu, quel que soit son parcours et son statut social. Dans un pays dont la devise met en avant l’égalité, l’exemple devrait alors être d’abord donné par les politiques. Ce qui n’est pas vraiment le cas en France, de la base au sommet de la pyramide du pouvoir. Mais il y a pire, avanceront les tenants du statut quo, preuve que le nivellement par le bas relève d’un état d’esprit, ne portant pas atteinte qu’aux conquêtes sociales…

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