Vague verte, oui mais ?

Les commentateurs des résultats des élections municipales des 15 mars et 28 juin 2020, ont évoqué une vague verte, mais le vert est-il sa seule couleur ?

Vague sur l’océan atlantique, plage de Lette Blanche, Landes, France. Vigna Christian / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Jean-Marc Claus) – Les Municipales 2020, Covid-19 aidant, resteront gravées dans les mémoires pour leur déroulement chaotique d’une part, et pour leurs résultats prophétiques. Déroulement chaotique car, de mémoire républicaine, deux tours d’une même élection n’ont jamais été séparés d’autant de semaines et ne se sont jamais tenus dans un contexte de pandémie. Prophétique car, à en croire la plupart des commentateurs, nous assisterions à un phénomène porteur de promesses d’avenir. S’il serait particulièrement malhonnête de minimiser l’importance de la « remontada » des Verts dans le paysage politique français, ramener leur réussite à la manifestation exclusive d’une envie de chlorophylle par un électorat politiquement désabusé ou en panique sanitaire, s’avérerait aussi fallacieux.

Peut-être serait-il d’abord utile de rappeler que la dite vague verte a connu quelques précédents qui ont très certainement constitué son socle. Pour ne prendre que l’exemple de l’Alsace, en 2018 à la suite du Kutner-Ball-Crash à Schiltigheim,  l’élection de Danièle Dambach à la tête d’une liste composée d’écologistes, de socialistes, de communistes et de citoyens non-encartés avait fait dire à plus d’un que cette parenthèse serait bien vite refermée. Manque de bol pour ces analystes politiques de stammtisch bancal, la liste de Danièle Dambach a été reconduite en 2020 et au premier tour. Plus au Sud, à Ungersheim Jean-Claude Mensch surnommé « maire nature » qui a fait de cette ville de 2.341 habitants un modèle en matière de transition écologique a été réélu au premier tour avec 69,34% des suffrages exprimés. Cette démarche transitionnelle a débuté en… 2005.

A Strasbourg, si des écologistes faisaient partie du conseil municipal dès 2014, leur vie n’y était pas simple, notamment suite à la réalisation du Grand Contournement Ouest (GCO) auquel le maire Roland Ries (PS) s’était opposé en 2006, pour retourner sa veste en 2018. Ce qui a probablement aussi contribué à l’avancée au premier tour puis au succès, au second tour, de la liste conduite par Jeanne Barseghian , et, il n’est pas interdit de le penser, au plombage de celle de Catherine Trautmann (PS) qui du reste, n’a pas démérité car partant avec un lourd handicap. Mais la liste conduite par Jeanne Barseghian était composée de 16% d’écologistes, 12% de communiste, 8% de militants de Place Publique, 4% de militants issus de Générations, Mouvement Progressiste et d’Objectif Région Alsace et surtout de 60% de non-encarté(e)s. Quant au programme, tout comme celui de la liste Dambach à Schiltigheim et de la liste Mensch à Ungersheim, il développait des thématiques et portait des valeurs de gauche.

Ainsi, tant en regard de la composition des listes que de leurs programmes, si la couleur des équipes majoritaires dans ces nouveaux conseils municipaux est assurément verte, elle a aussi une tonalité sociale propre à rassembler autour d’une tête de liste écologiste, des militants de divers partis et mouvements de gauche, mais aussi des citoyen(ne)s déterminé(e)s à prendre part activement à la vie de la cité. Ce qui devrait conduire tout observateur, si tant est qu’il vise l’impartialité, à reconnaître que cette vague verte signe un retour du clivage droite-gauche qu’avait en 2017 tenté de gommer un certain Emmanuel Macron, à grands coups de retentissants « En même temps ».

Si le temps n’est plus au sinistre en-même-temps présidentiel, il a surgi de cette campagne un en-même-temps municipal des plus réjouissants et des plus surprenants. Écologistes et communistes que beaucoup de choses opposaient en 2014, notamment la question du nucléaire, ont réussi à constituer un attelage solide à Strasbourg en 2020 et même dès 2018 à Schiltigheim. Ce qui témoigne d’un toujours possible rassemblement de la gauche, si toutefois des individus-clés ne se complaisent pas dans le culte de la personnalité et la culture du clivage. Avec la réussite des Verts et associés, la gauche reprend des couleurs. Souhaitons que cette vague soit suivie d’effets conduisant à une redistribution des cartes lors des présidentielles de 2022, afin d’éviter une nouvelle Guerre des Trois ou plus dont le vainqueur ne sera, comme d’habitude, aucun d’entre eux….

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