Bois une poncha…

Début d’une expression typiquement madérienne, cette incitation à consommer une boisson toute aussi typique, raconte toute une histoire.

La poncha se prépare à l’aide du mexelote, un mot utile au scrabble ! Foto: Benacrhko / Wikimedia Commons CC-BY-SA 3.0

(Jean-Marc Claus) – L’archipel de Madère, tout comme celui des Canaries, est producteur de rhum, ce qu’on a tendance à oublier en France, au profit des productions antillaises et réunionnaises. Or, pour qui est amateur de cet alcool, faire l’impasse sur les rhums canariens ou madériens dont nous reparlerons dans de futurs articles, revient à contempler un paysage en clignant de l’œil.

Dans l’immédiat et parce que nous sommes en été, un été s’annonçant caniculaire, la « poncha » semble une boisson de circonstance, à consommer avec la modération qui s’impose. Son origine remonte au XVIe siècle, époque des grandes traversées nécessitant l’embarquement d’aliments anti-scorbut. Une pathologie de la carence en vitamine C, plus ou moins connue dès le Moyen-Âge et clairement identifiée au milieu du XVIe siècle.

Pour cela, il y avait les choux à choucroute, que l’on conservait par fermentation lactique, et aussi les citrons. Pour ces derniers, le mode de conservation le plus approprié était l’alcool, notamment le rhum, et la mélasse tiré des cannes à sucre. Ce qui, à la longue, aboutit à la création de la poncha, qui est aujourd’hui l’un des cocktails emblématiques de Madère.

Selon certaines sources, débarquant d’abord aux Indes puis aux Amériques, elle serait à l’origine du so british punch et de la muito brasileira caïpirinha. Toujours est-il que barmans et amateurs de cocktails du monde entier, peuvent remercier Vasco da Gama et Pedro Álvares Cabral ! Mais ils doivent aussi savoir que poncha vient de punch qui est tiré du sankrit panch, signifiant cinq, en référence aux cinq éléments composant cette boisson réputée aux Indes : thé, citron, cannelle, sucre de canne et alcool.

La poncha originelle est composée d’écorces de citrons écrasées à l’aide d’un mexelote ou pau da poncha qui sert aussi à mélanger les autres ingrédients. A savoir, du rhum blanc, de l’eau, du sucre de canne. Plusieurs versions existent actuellement, dont celle utilisant du miel et beaucoup remplacent l’eau par du jus de fruit de la passion, de mandarine ou d’orange. Comme pour la mojito cubaine, il existe plusieurs déclinaisons.

En 2014, le Gouvernement Régional de Madère, a approuvé un décret réglementant la composition de la poncha et lui permettant d’obtenir une Indication Géographique Protégée. 320 années plus tôt à Lisbonne, l’amiral britannique invitait les équipages de sa flotte à se réunir autour d’un énorme bassin de marbre, afin de partager le plus grand punch du monde.

Pour apprendre à préparer une poncha, laissez-vous enseigner par Bernardino de Bernardino Reiceditas qui utilise des citrons jaunes ou par Maria José de Temperos e Sabores qui elle, emploie des citrons verts.

La connotation pseudo médicamenteuse de cette boisson, est restée dans le langage courant des insulaires, d’où l’expression typiquement madérienne : « Bebe uma poncha que isso passa ! » (Bois du poncha et ça passera !), car cette mixture guérirait de tous les maux. Peut-être pas, pour le moins de l’alcoolisme et de la cirrhose hépatique ! Mais c’est tout de même une boisson bien agréable à consommer en été, à l’ombre d’un parasol et de préférence face à la mer !

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