CJUE versus Modelo 720

Une disposition de la fiscalité espagnole retoquée en janvier par la Cour de Justice de l’Union Européenne, facilite la vie aux gens modestes, mais pas qu’à eux...

Au Royaume d’Espagne, grâce à la Cour de Justice de l’Union Européenne, le Fisc n’est pas roi. Foto: Sanjay Rao / Wikimedia Commons / CC0 1.0

(Jean-Marc Claus) – A l’heure où l’on s’affaire en France à remplir les déclarations de revenus 2021, il est bon de savoir que nos compatriotes résidents fiscaux espagnols ont, depuis le 27 janvier, l’esprit un peu plus libre, suite à un processus engagé en 2013. Ceci grâce à la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), démontrant au passage que contrairement aux discours des extrêmes, l’Europe sert à quelque chose pour les petites gens.

Document issu d’une loi adoptée le 29 octobre 2012 sous le gouvernement Rajoy I, le « Modelo 720 » ou « Formulaire 720 » impose aux personnes physiques et morales résidant sur le sol espagnol, de déclarer à l’administration fiscale leurs comptes ouverts dans des établissements financiers à l’étranger, leurs valeurs, droits, contrats d’assurances ou revenus placés, gérés ou obtenus à l’étranger, leurs biens immobiliers ou droits portant sur des immeubles situés à l’étranger. Destiné à lutter contre l’évasion fiscale, cette mesure concernant les biens d’une valeur totale supérieure à 50.000€, s’applique aussi aux expatriés et se fait par voie numérique à l’Hacienda (Administration Fiscale).

Une déclaration qui, selon les multiples retours, n’a rien de simple, ceci démontrant que les administrations fiscales françaises et espagnoles ont au moins un point commun. Tout retard dans cette démarche devant s’effectuer du 1er janvier au 31 mars, exposait les contrevenants à des amendes substantielles pouvant aller jusqu’à 30.000€ pour non-présentation du Modelo 720 et 1.500€ pour les retardataires, ainsi que toute une série de pénalités s’appliquant aux déclarations inexactes. Une Épée de Damoclès notamment suspendue au-dessus de la tête des Français résidant en Espagne et dont nombre d’entre eux sont des gens modestes.

Des plaintes portées par des cabinets d ́avocats fiscalistes et des associations professionnelles, ont conduit en 2013 la Commission Européenne à mener une enquête afin de déterminer si le régime de sanctions lié au Modelo 720, était contraire à la réglementation de l ́Union Européenne. Ce qui, suite à un rapport définitif bouclé en 2017, a amené la Commission Européenne à demander à l’Espagne de revoir sa législation à ce propos.

En l’absence de réaction de l’État, la Commission Européenne a, en 2019, porté plainte contre l’Espagne auprès de la Cour de Justice de l’Union Européenne. Parallèlement, les tribunaux espagnols s’étaient mobilisés pour accorder gain de cause à un nombre toujours plus important de contribuables contestant les sanctions dont ils avaient été l’objet. La Cour de Justice de l’Union Européenne a émis le 27 janvier 2022 un arrêté, selon lequel le régime de sanctions pour non-dépôt ou dépôt tardif avec ou sans mise en demeure, ainsi que le régime de plus-values non justifiées et la sanction de 150% correspondante, sont contraires à la réglementation européenne.

Une décision qui n’annule pas l’obligation de déclarer les avoirs à l’étranger, mais retoque les sanctions et a conduit le Gouvernement Espagnol à revoir en toute hâte sa législation fiscale en mars 2022, ramenant alors la pénalité pour retard ou défaut de présentation à 200€. Ce qui soulage nombre de résidents fiscaux espagnols. Mais le Modelo 720 n’est toujours pas un modèle de simplicité et chose plus grave encore, une sanction de 200€ n’incite pas les vrais évadés fiscaux à la régularisation. Il faudra donc que les autorités du pays planchent sérieusement sur le dossier, mais dans l’immédiat, la Cour de Justice de l’Union Européenne, sollicitée par la Commission Européenne, rend plus facile la vie des citoyens lambda.

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