Concilier les convictions et l’action
Perdu au milieu des champs, un îlot de biodiversité plaide depuis trente ans par l’exemple, pour un changement de paradigme.
(Jean-Marc Claus) – C’est une bande de terre de 50 mètres de large sur 300 mètres de long, soit 1,5 hectares de terrain cultivable, qui, à Niederschaeffolsheim au nord de Strasbourg, en plein milieu des champs, constitue un phénoménal îlot de biodiversité. Créé il y a trente ans, suite à un héritage, cet arboretum réunissant essences autochtones et allochtones, est bien éloigné de chênaie de « L’homme qui plantait des arbres ». Mais il sensibilise pareillement à la nécessité de travailler activement à la préservation de l’environnement.
« Tout s’opposait à ce que je le fasse, alors je l’ai fait et je me suis construit dans l’adversité. ». Le ton est donné, mais Jean-Louis Amann n’est pas pour autant un donneur de leçons et encore moins un taliban de l’écologie. Né en 1953, il s’est lancé dans la création de l’Arche en 1992, pour une fois retraité, s’y retirer en 2021. Formé aux sciences de l’environnement aux USA, où il a vécu plusieurs années, volontaire du Corps de la Paix au Zaïre durant trois ans, c’est justement à son retour en Europe que s’est présentée à lui cette opportunité de réaliser ici ce pour quoi il s’était instruit et battu ailleurs.
« Concilier les convictions et l’action », tel est le fil rouge de son œuvre dans ce lieu exceptionnel, qu’il nomma fort justement « l’Arche ». La terre, nue au départ, avait la particularité d’être constituée des trois types de sols dont est composé le ban communal : lœss, marnes et sable. Ce qui l’a conduit à imaginer un agencement constitué de trois types d’essences (fruitiers – feuillus – conifères) sur trois niveaux (arbres – arbustes – plantes herbacées). Mais il a fallu bien vite jouer de la machette et de la houe, car les espèces endogènes prenaient le dessus sur celles exogènes, en phase d’acclimatation.
Comptant une centaine d’essences d’arbres, l’Arche a aussi pour vocation d’accueillir des variétés n’existant pas localement, comme par exemple le Pin des Canaries, le Séquoia des Montagnes, le Cèdre de l’Himalaya et une très belle collection d’érables. Véritable terrain d’expérimentation, il a permis à Jean-Louis Amann durant sa période d’activité professionnelle, où il fut entre autres chargé de mission à l’Eurométropole de Strasbourg, de tester tout ce qu’il a mis en application, mais aussi enseigné aux jeunes en jardinant avec eux et en créant des cabanes en milieu urbain.
C’est bien l’enseignant qui se dégage, des multiples facettes de ce personnage ne manquant pas de personnalité. Un enseignant d’une grande humilité, à l’exact opposé des diktats de l’écologie punitive. D’où la visite de son arboretum, réalisée dans le cadre des Rencontres de l’Écologie Optimiste organisées par l’Office du Tourisme du Pays de Haguenau, Forêt et Terre de Potiers. D’où aussi le fait qu’il ne soit pas en guerre avec l’agriculture intensive entourant son îlot de biodiversité, mais il plaide activement en donnant l’exemple, pour un développement de l’agroforesterie dont la forêt jardinée est une déclinaison.
Occuper toutes les strates allant des arbres aux plantes herbacées, tenir compte de la nature des sols pour y cultiver les espèces les mieux adaptées, alterner clairières champêtres et zones arbustives fruitières ou non, tel est l’un des aspects du concept. Un concept incompatible avec la production de masse, et donc renvoyant à une consommation raisonnable, sans pour autant que cela signifie frugalité. Ce que vit et professe Jean-Louis Amann dans son Arche, où il dit ne se priver de rien, car il se focalise sur l’essentiel. L’essentiel étant ce qui, sans sombrer dans le romantisme, nous relie à la nature et nous révèle notre nature. Nous avons donc affaire à un grand humaniste, qu’on ne pourra jamais qualifier de « hors-sol » !
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