De l’antisionisme

L’antisionisme est-il une forme d’antisémitisme ? Oui, non, oui et non…

Se mobiliser contre le nazisme, le fascisme, le racisme : oui, mais sans sombrer dans le confusionnisme. Foto: Frankie Fouganthin / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Jean-Marc Claus) –L’antisémitisme et l’antisionisme qu’Emmanuel Macron désigne comme « les ennemis de notre République », sont deux choses bien différentes, que d’aucuns ont intérêt à rendre parfaitement synonymes. Si l’antisémitisme, qui étymologiquement parlant ne renvoie pas qu’aux juifs, est incontestablement un délit sanctionné par la loi, non un délit d’opinion comme certains aimeraient encore à le laisser croire, l’antisionisme se réfère à une doctrine politique, à caractère politico-religieux, selon une partie de ses actuels tenants. D’où la complexité de sa qualification, au regard des lois visant à combattre l’antisémitisme et le racisme.

Dans un mode de pensée binaire, il y aurait donc d’un côté des gentils, victimes séculaires d’antisémitisme, et forcément de l’autre des méchants, méritant les foudres antisionistes qu’ils ont eux-mêmes provoquées. Dieu(x) que la vie serait belle, si tout pouvait être efficacement jaugé à l’aune d’un manichéisme puéril et donc ultra-simplificateur ! Mais comment alors expliquer la théorie de la relativité, qui ne relève pas que des sciences physiques ? Comment prendre en compte les apports de l’ethnologie, dans la compréhension des sociétés humaines ? Exceptés l’autodafé, la fatwa, l’oukaze et la bulle pontificale, il n’y a alors guère d’autres moyens de s’en sortir.

La complexité du monde, que ne souhaitent pas appréhender les complotistes, a le même effet sur ceux, jurant mordicus que l’antisionisme est ou alors n’est pas une forme d’antisémitisme. Initialement, le sionisme procède d’une doctrine politique ayant pour objectif l’établissement d’un état juif en Palestine. Son fondateur, le journaliste hongrois Theodor Herzl (1860-1904), n’a pas vécu assez longtemps, pour voir en 1948, suite au drame de la Shoah, sa concrétisation par la création de l’État d’Israël. Mais de son vivant, l’année suivant le congrès fondateur du sionisme tenu à Bâle en 1897 sous sa présidence, une banque coloniale fut créée pour l’achat de terres en Palestine. Un territoire alors inclus dans l’Empire Ottoman, et qui passa sous Mandat Britannique à compter de 1920.

C’est la Déclaration de Balfour, lettre ouverte adressée en 1917 par Arthur James Balfour, alors Secrétaire d’État des Affaires Étrangères au Royaume Uni, au baron Lionel Walter Rothschild, banquier et financier du mouvement sioniste, qui est considérée comme une étape fondamentale de la création de l’État d’Israël. En se prononçant pour l’établissement en Palestine, d’un foyer national pour le peuple juif, un pays européen doté alors d’un empire sur lequel le soleil ne se couche jamais, scelle le destin de deux peuples. Un destin dont les actuelles tragédies, plongent leurs racines dans l’Histoire.

Aujourd’hui, le Hamas né en 1987, nie la légitimité de l’État d’Israël alors que le Fatah créé en 1959, membre de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) fondée en 1964, reconnaît depuis 1988 le droit d’Israël à vivre en paix et en sécurité. Le retrait de la Bande de Gaza opéré en 2005 et le transfert de sa gestion à l’Autorité Palestinienne, pour en faire une sorte de camp retranché dit aussi prison à ciel ouvert selon les approches qu’on en a, son passage sous la coupe du Hamas en 2007, ainsi que la multiplications des colonies en Cisjordanie, n’ont en rien contribué à la pacification et à l’établissement de la solution à deux états. Une option raisonnable née dès 1937 avec la Commission Peel, et qui depuis fait figure de Monstre du Loch Ness, lors de chacune de ses apparitions dans le débat.

Afin de se maintenir au pouvoir, Benjamin Netanyahou, déjà politiquement très à droite, s’est récemment associé à des partis aux couleurs nationalistes et ultra-religieuses. Mais ce glissement n’est pas nouveau, car les observateurs constatent depuis de nombreuses années que le sionisme politique des origines, cède le pas à un actuel sionisme surtout religieux. Ainsi faut-il bien faire la différence, entre ce que le sionisme a été et ce qu’il est devenu, sans pour autant sombrer dans la généralisation et la caricature. Mais la mise en avant de doctrines religieuses, là où initialement il y avait un projet politique, ne peut qu’embraser cette région du monde, où chacun des trois grands monothéismes a ses intérêts.

Alors, l’antisionisme est-il un antisémitisme  ? Non pour le journaliste et activiste Dominique Vidal, possiblement, mais pas systématiquement selon l’historien Shlomo Sand, assurément pour la diplomate Aliza Bin-Noun qui y voit une nouvelle forme d’antisémitisme, comme le relate un excellent article de Margaux Tertre publié par Ouest France en 2019.

Ce n’est pas porter un jugement sur la population d’un pays, que mettre en cause la politique de ses actuels dirigeants. D’autant plus qu’ils n’ont pas vocation à présider éternellement à ses destinés. Une attitude que nous avons toujours adopté quant à l’Iran, dans nos articles de soutien à Fariba Adelkhah. S’il devient impossible de critiquer la gouvernance d’une nation, quelle qu’elle soit, sans se voir taxer de racisme ou d’antisémitisme, l’autodafé des ouvrages et articles d’analyse géopolitique n’est alors plus très loin.

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