Espagne : prolongation de l’état d’alerte

Dans la gestion de la crise, Pedro Sánchez ne manque pas d'alliés, mais le soutien à la poursuite de l'état d'alerte, diminue à chaque vote au Congrès des Députés.

Le Gouvernement Sánchez a obtenu la prolongation de l'état d'alerte au prix d'alliances parfois surprenantes. Foto: Ministry of the Presidency. Government of Spain / Wikimedia Commons

(Jean-Marc Claus) – Le Gouvernement Espagnol a trouvé dans le parti Ciudadanos un allié inattendu afin de faire voter, au Congrès des Députés le 6 Mai 2020, la prolongation de l’état d’alerte.

Ce n’était pas gagné d’avance. Les Espagnol(e)s ne sont pas plus que d’autres insensibles à la « cabin fever », et les partis politiques d’opposition attaquent de toutes part le gouvernement de coalition de gauche. Mais les mesures prises en vue de protéger et de soutenir les populations ont été finalement reconduites par un vote à la Chambre Basse. Vote où la formation de centre-droite Ciudadanos, connue jusqu’ici pour s’associer au Partido Popular (droite) et à Vox (extrême-droite), s’est ralliée au Gouvernement. Juan Carlos Merino décrit dans son article publié dans La Vangardia des tiraillements existant dans la majorité, notamment côté basque (EAJ/PNV) et catalan (ERC), « chauffant déjà leurs moteurs électoraux » (sic). Force est ainsi de constater à nouveau combien les grandes causes peuvent faire les frais de petits calculs…

L’accord consiste à maintenir les mesures de protection dans les domaines de la santé, du social et de l’économie. Il est aussi question, le moment venu, d’en négocier la désescalade. Négocier, un verbe qu’on aimerait entendre et voir appliquer aussi en France. Ce ralliement de Ciudadanos, mouvement pour lequel Unido Podemos, membre important de la coalition gouvernementale n’a aucune sympathie, fait débat jusque dans les rangs des socialistes (PSOE) où certains parlent d’un virage du Gouvernement Sánchez vers le centre. Pourtant, d’un point de vue purement objectif, c’est Ciudadanos qui s’éloigne de la droite et de l’extrême-droite, pour aller un peu vers la gauche… en revenant au centre. Par ailleurs, ce pacte mettra la pression sur quatre gouvernement autonomes où le Partido Popular et Ciudadanos sont associés. Cependant un tel allié qui, en 2019 s’était montré plus opportuniste que Manuel Valls lui-même, n’est plus à une volte-face près.

Par ailleurs, le PNV basque s’est finalement associé au vote de la prolongation de l’état d’alerte, contrairement à l’ERC catalan, d’après ce que rapporte toujours Juan Carlo Merino dans un autre article publié dans La Vangardia. Le Partido Popular, qui avait initialement soutenu l’état d’alerte, se prévaut maintenant d’un Plan B et multiplie les attaques contre le gouvernement qu’il accuse d’instrumentaliser ces mesures pour se maintenir au pouvoir. Vox, à l’instar de ses partis frères européens, ne propose rien de constructif, mais menace le gouvernement d’une motion de censure. Motion de censure que ce parti d’extrême-droite espère, peut-être secrètement, voir suivie par le Partido Popular avec lequel il est allié dans plusieurs gouvernements autonomes, comme par exemple lors de l’affaire du « veto parental ». Au final, ce sont 178 député(e)s, issu(e)s de 10 partis qui ont voté « oui », contre 74 « non » exprimés par des élus de 5 partis, alors que 98 député(e)s issu(e)s de 4 partis, dont le Partido Popular, se sont abstenu(e)s. Donc,  majorité absolue pour le soutien au Gouvernement Sanchez dans la prolongation de l’état d’alerte, mais poursuite de l’érosion de ce soutien passant de 321 à 269 puis à maintenant 178 votes dans une chambre comptant 350 député(e)s.

Rien n’est simple actuellement pour Pedro Sánchez, mais sa ligne de conduite, en dépit des tiraillements internes et des attaques qu’il subit, demeure de « sauver des vies d’Estramadure à la Catalogne, de l’Andalousie à la Galice, de gauche comme de droite » (sic). A ce propos, il est à noter qu’aux Îles Canaries, communauté autonome gouvernée par la gauche, la Coalición Canaria qualifiée de régionalo-conservatiste et parfois même de nationaliste a, après négociation, voté oui, démontrant ainsi tout ce qu’un régime parlementaire peut avoir de positif pour la démocratie. C’est dans ce même esprit que Pedro Sánchez s’est engagé à ce que la désescalade, entendons le retour à la vie normale, se fasse de façon asymétrique et concertée, donc par un réel dialogue avec les gouvernements autonomes. C’est à dire, à l’exact opposé de la verticalité centralisatrice et autoritaire à l’œuvre dans d’autres pays européens, dont la France. Une fois de plus, la Péninsule Ibérique montre le chemin à suivre. Mais peut on forcer à boire un âne qui n’a pas soif ? C’est bien là « mandar peras al olmo » c’est à dire demander des poires à l’orme !

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