Exit les émissions religieuses de l’audiovisuel public ?

D’aucuns pétris d’une laïcité mal digérée, voudraient que soient supprimées de l’audiovisuel public, les émissions à caractère religieux du dimanche matin.

Un studio itinérant de France Culture. Foto: Pymouss / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Jean-Marc Claus) – Chaque dimanche matin sur France Culture, entre 7h00 et 11h00, est diffusée, entrecoupée par deux journaux, une série de cinq émissions dont les laïcards voudraient voir supprimer quatre d’entre elles, au motif que le service public de la radiophonie se doit de demeurer laïc. « Orthodoxie », « Solaé, le rendez-vous protestant », « Talmudiques » et « La Messe » devraient donc ne plus figurer dans la grille de programmes de la radio publique. Par contre, « Divers aspects de la pensée contemporaine », où interviennent différentes obédiences maçonniques et de la libre pensée, ne provoque pas systématiquement le même déferlement de critiques, pour ne pas dire de haine.

S’il est vrai que le service public doit cultiver une certaine neutralité, parfois relative selon, pour parler trivialement, qui tient la boutique, la chose religieuse peut-elle être exclue des programmes, excepté quand elle est à l’origine de faits divers ou intervient dans la géopolitique ? En assimilant ces quelques heures d’émissions dominicales diffusées sur France Culture, à la production d’antennes confessionnelles, dont ne manquent ni la bande FM ni le web, les laïcards font une grossière erreur d’analyse.

Aucune des cinq émissions citées plus haut, cinq car la non-croyance procédant d’une conviction est donc aussi une croyance, n’a vocation à favoriser le prosélytisme. Certaines sont, en termes d’apports culturels et philosophiques, d’un niveau bien supérieur aux habituelles diatribes des bouffeurs de curés, dont les argumentaires au raz des pâquerettes ne risquent pas de contribuer à élever le débat. Oui, la radio publique doit rester laïque, mais le fait religieux est de notoriété publique. Alors que fait-on ? On se cache derrière le petit doigt, ou moins élégamment derrière le majeur ?

Le même procès est fait par les laïcards à France Télévision, qui sur France 2, le dimanche matin entre 8h10 et 12h00, diffuse « Sagesses bouddhistes », « Islam » « A l’origine », « Présence Protestante » « Le Jour du Seigneur », « La messe » et « Parole inattendue ». Donc, au total 3h30 pour la télévision et 3h50 pour la radio sur 168 heures / semaine pour chaque antenne, ceci représentant environ 2% du temps d’émission hebdomadaire. Mais visiblement, cela agace plus que la répartition arbitraire de temps de parole accordé, hors campagne électorale, aux différents courants politiques de notre pays. Sujet à propos duquel il serait grand temps de débattre et d’imposer plus d’impartialité.

Conceptualisé par la sociologie, le fait religieux ne considère pas la religion dans sa dimension mystique, mais en tant que pratique sociale. Vouloir annihiler toute pratique et/ou croyance religieuse, est aussi délétère que d’en ériger une en système politique. Combattre toutes les religions, au nom d’une laïcité mal digérée ou tronquée, tout comme stigmatiser certaines et simultanément protéger d’autres, n’a absolument rien à voir avec la démarche scientifique des sociologues et des ethnologues.

Claude Lévi-Strauss qui, en 1989, reconnaissait n’être pas intéressé par la religion et disait s’il devait avoir des préoccupations dans ce domaine, qu’il irait plutôt vers certaines spiritualités extrême-orientales, affirmait en 1964 dans « Le cru et le cuit » ne pas montrer comment les hommes pensent dans les mythes, mais comment les mythes se pensent dans les hommes, à leur insu. Pour comprendre ce qui, en nous, se joue à notre insu, peut-on faire l’économie d’une certaine culture religieuse, ne signifiant pas pour autant croyance ? Raymond Aron, que l’on ne soupçonnera pas d’accointances communistes, a fait des œuvres de Karl Marx une analyse ne manquant pas de pertinence. D’où l’importance, via le service public de l’audiovisuel, de maintenir les émissions à caractère religieux du dimanche matin, car ce n’est pas par les sites web ou les médias confessionnels que nos concitoyens développeront un esprit critique constructif. Sans même parler d’une nécessaire et salutaire ouverture d’esprit, à une époque où, culture du clash aidant, le clivage devient la norme…

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