Crise du journalisme au Portugal

Au 5e Congrès des Journalistes, événement qui s’est tenu récemment à Lisbonne, il a notamment été question de la crise vécue actuellement par le journalisme portugais.

En plus de la précarisation des journalistes, l’interview va-t-elle devenir une pratique à haut risque au Portugal ? Foto: Pedro Ribeiro Simões / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(Jean-Marc Claus) – Le Cinéma São Jorge a, du 17 au 21 janvier, accueilli sous la présidence de Pedro Coelho, le 5e Congrès des Journalistes, sept ans après sa dernière édition, la pandémie de Covid-19 ayant jusqu’ici empêché qu’il se déroule plus tôt. Un demi-siècle après la Révolution des Œillets, la tenue de ce colloque initialement quinquennal, a en 2024 une portée symbolique particulièrement significative.

D’autant plus que l’agression subie par un journaliste de l’hebdomadaire Expresso lors d’une rencontre avec des politiques de tous horizons organisée à l’Université Catholique Portugaise, a provoqué un vif émoi au-delà de la profession. Agression dont André Ventura, leader du parti d’extrême-droite Chega à la tribune au moment des faits, tente par une pirouette d’exonérer la responsabilité de sa formation politique, comme le rapporte le Jornal de Noticias. Le directeur d’Expresso João Vieira Pereira, a d’ailleurs à juste titre porté plainte.

Une plainte d’autant plus nécessaire que l’expulsion manu militari du journaliste d’un lieu sur lequel Chega n’a aucun droit, était assortie de menaces signant clairement une volonté d’intimidation. Un incident supplémentaire, qui témoigne des rapports de l’extrême-droite avec la presse, quand elle n’est pas sa presse, et ceci quel que soit le pays où elle est en progression. Inutile de chercher à imaginer ce qu’il adviendrait avec son accession au pouvoir, car l’Histoire l’a déjà suffisamment démontré, et actuellement l’exemple de la Russie se suffit à lui-même.

Autre sujet de préoccupation lors du Congrès des Journalistes, l’abandon de la profession par 436 journalistes en sept ans. Un chiffre qui, mis en perspective avec l’effectif actuel de 5.310 professionnels, laisse clairement craindre quant à l’avenir du métier et au pluralisme de la presse. Ces départs ne sont heureusement pas causés essentiellement par la montée de l’extrême-droite, du moins en ce moment, mais par le fait que, comme le soulignait l’ancienne journaliste Barbie Zelizer citée par le président du congrès, la profession a atteint un point d’épuisement.

Stages successifs non rémunérés, manque de ressources financières pour se déplacer et se documenter, pigisme multidirectionnel, provoquent chez beaucoup trop de professionnels un épuisement physique et mental qui associé aux difficultés de fins de mois, génère une insupportable précarité. Pour Barbie Zelizer, le financement du journalisme doit être discuté sans tabous. Une absolue nécessité, à propos de laquelle de son côté et dans le même esprit, le Président de la République Marcelo Rebelo de Sousa ajoutait l’importance de savoir « qui dirige et gère quoi dans les médias » (sic).

L’accent mis sur la nécessaire transparence quant aux financement des médias et à leurs lignes éditoriales, se conjugue selon le Président du Portugal, avec l’impératif d’inclure l’État dans les débats. Ce qui, quant au principe de la liberté du Quatrième Pouvoir, pourrait sembler inquiétant, mais au vu de sa carrière politique, Marcelo Rebello de Sousa ne peut être soupçonné de vouloir commencer à 75 ans une carrière de dictateur. Par contre, cela n’est pas à exclure pour André Ventura, qui à 41 ans, à force de manœuvres politiques et de combinaciones, a encore l’avenir devant lui pour devenir le nouveau Salazar.

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