François Tosquelles, un psychiatre militant

Arrivé en France lors de la « Retirada », François Tosquelles déjà engagé politiquement en Espagne, ne pantoufla pas en France en attendant la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

L’Hôpital Psychiatrique de Saint-Alban-sur-Limagnole, appelé aussi Institut Saint Alban, est devenu le Centre Hospitalier François Tosquelles. Foto: Krzystof Golik / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Jean-Marc Claus) – Proclamée en 1931, combattue à partir de 1936 par les forces réactionnaires, abattue en 1939, la Seconde République Espagnole vit l’engagement de nombreux talents, avant que le pays sombre dans la dictature fasciste qui dura jusqu’en 1975. Certains de ces talents, tel Federico García Lorca (1898-1936) y perdirent la vie, d’autres tel José Cabrero Arnal (1909-1982) durent s’exiler.

Le psychiatre castillan Francesc Tosquelles Llauradó (1912-1994), qui devint François Tosquelles en 1948, fut l’un d’entre eux. Très impliqué dans l’expérience de psychiatrie avant-gardiste de l’Institut Pere Mata dès 1935, il fut parallèlement à sa pratique médicale, un militant républicain qui participa à la création du Parti Ouvrier d’Unification Marxiste (POUM). Barcelone au début des années trente était aussi une ville-refuge pour les psychiatres et psychanalystes menacés au sein de l’Allemagne nazie et de l’Europe Centrale – le IIIe Reich faisant tâche d’huile.

Engagé dans la guerre contre le fascisme (1936-1939), il combattit sur le Front-Sud et servit aussi la cause de la démocratie comme médecin. Forcé de s’exiler, à l’issue de la « Retirada », il arriva au Camp de Concentration de Septfonds dans le Tard-et-Garonne, où il participa à un réseau d’évasions vers la Résistance. Sa réputation le précédant jusqu’en Lozère, il fut embauché à l’Hôpital Psychiatrique de Saint-Alban-sur-Limagnole en 1940.

Cet établissement devint à la fois, le berceau de la psychothérapie institutionnelle, et un lieu de résistance à l’oppresseur nazi ayant à sa botte l’État Français. Alors que dans d’autres hôpitaux psychiatriques de France, les malades mourraient de faim car soumis aux privations par le Régime de Vichy, François Tosquelles envoya les patients de Saint-Alban travailler dans les fermes voisines, en échange de précieuses denrées alimentaires mises en commun.

C’est ainsi qu’ils échappèrent à « l’extermination douce », la. La cause des 40000 malades mentaux morts de faim dans les hôpitaux sous Vichy, orchestrée sans états d’âme par les prédécesseurs de l’actuelle extrême-droite française. François Tosquelles dirigea l’Hôpital Psychiatrique de Saint-Alban-sur-Limagnole jusqu’en 1962, où il fut médecin-chef à partir de 1952. La psychiatrie contemporaine doit beaucoup à ce réfugié espagnol, qui militait pour une « politique humaniste de la folie », comme le relate la vidéo disponible en cliquant ici.

La Résistance dans le Sud-Ouest de la France dut beaucoup aux réfugiés espagnols, qui s’y engagèrent très activement. Mais que dirait aujourd’hui François Tosquelles, tant de la société française où l’extrême-droite ripolinée a désormais pignon sur rue, que de la Péninsule Ibérique où le ventre encore fécond de la bête a donné naissance au début du XXIe siècle à Vox et Chega ?

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