#FreeFariba : 1.000 jours et +
Fariba Adelkhah - Mille et quinze jours de privation de liberté, mais un esprit inaliénable...
(Jean-Marc Claus) – Il y a quinze jours, Fariba Adelkhah en était à sa millième journée de détention. Mille quinze jours maintenant et plus encore dans les temps à venir, c’est le prix exorbitant payé par la chercheuse franco-iranienne qui en toute indépendance, ne faisait que son travail. Or, c’est bien le mot « indépendance » qui pose aujourd’hui problème dans ce pays riche d’une histoire et d’une culture millénaires, gouverné depuis 1979 par des religieux fondamentalistes.
Mille jours représentent désormais la période la plus importante du début de la vie d’un enfant, et en France une campagne gouvernementale accompagne les parents dans cette étape. Mille jours, c’est aussi une émission de la Radio Télévision Belge Francophone (RTBF) intitulée « 1.000 jours dans l’Histoire ». Si l’on cherche du côté des symboles, les références ne manquent pas, notamment dans le textes à connotation spirituelle ou religieuse.
Pour les yogis, au sommet du crâne, se trouve le septième chakra, appelé « Sahasrara » ou « Lotus au Mille Pétales ». Dans la mythologie hindoue, Ananta, le serpent cosmique, est doté de mille têtes. Dans le Coran, nuit sacrée au nombre de celles de la fin du Ramadan, la « Nuit du Destin » (Laylat al-Qadr) vaut mieux que mille mois. Pour la Bible, le chiffre mille employé de la Genèse à l’Apocalypse, renvoie plus à l’infini qu’au nombre cardinal.
Que signifie alors le chiffre mille pour Fariba Adelkhah ? Probablement fait-elle référence à la notion de multitude quand en 2012, elle publie « Les mille et une frontières de l’Iran – Quand les voyages forment la nation ». Un ouvrage dans lequel elle souligne que la frontière géographique et politique met en jeu d’autres frontières, telles que genres, public/privé, légalité/illégalité, religieux/profane. Grâce à une dizaine d’années d’observation, elle porte alors un regard neuf sur l’économie politique néolibérale en République Islamique, la participation sociale des femmes, la conscience nationale et religieuse, l’ambivalence des appartenances ou des identités.
Avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la guerre a récemment franchi les portes de l’Europe. Depuis la prison d’Évin, Fariba Adelkhah nous parle indirectement, par cette notion de mille et une frontières qu’elle a développé dans ses travaux de recherche. Autour et au sein d’un même pays, les frontières sont multiples. Il serait donc absurde de réduire une nation, territoire et peuple confondus, aux seules limites de ses frontières douanières du moment.
Le « Dessous des Cartes », série d’émissions produites par ARTE depuis 1992, sensibilise depuis maintenant trente ans, à la nécessité de prendre en compte les mille et une frontières internes et externes d’un pays ou d’une région du monde. Approche excluant de fait toute vision bipolaire et toute approche manichéiste du monde. La complexité, tant des relations internationales que des rapports entre les différentes composantes de la population d’un pays ou d’une région, ne peut se résumer à des formules lapidaires et autres « punch lines », faisant florès dans certaines émissions de télévision abêtissantes.
Pour Fariba Adelkhah la vie, don unique et par conséquent précieux, est néanmoins multiple. Apprenons alors à aborder toute chose, sans perdre de vue les nombreux aspects qui risquent de masquer une analyse trop partisane et donc simpliste. Appliquer à nos raisonnements, cette rigueur intellectuelle, pour elle élémentaire, sera une très belle manière de lui faire honneur et un excellent moyen de ne pas nous laisser fourvoyer par des fake-news ou de la novlangue.
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