La Cumbre Vieja, un volcan « prévisible »

Les lumières de l’éruption supplantent celles de la ville. Foto: Eduardo Robaina / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Jean-Marc Claus) – Voilà un peu plus d’une semaine qu’elle fait parler d’elle, et rappelle à certains que l’archipel des Îles Canaries n’est pas celui des Îles Baléares. La Cumbre Vieja, que l’on peut traduire par « Le Vieux Sommet », est entrée en éruption après un demi-siècle de repos très relatif et quelques jours de multiples séismes annonciateurs. Une éruption qui était attendue dans la première moitié du XXIe siècle, comme l’avait prévue le professeur Juan Carlos Carrracedo.

Aussi impressionnant que peuvent être le spectacle sur le moment et la désolation qui s’en suit, aussi naturelles sont les éruptions volcaniques, n’ayant quant à leur origine, aucun lien avec le réchauffement du climat, auquel elles participent bien malgré elles. L’intérêt que ces phénomènes grandioses suscitent au sein de l’espèce humaine, remonte pour le moins au néolithique, comme l’expliquait le vulcanologue alsacien Maurice Krafft, prenant à témoin une peinture murale de l’Hasan Dağı alors en éruption, découverte dans le village anatolien de Çatal Höyük et vieille de 8.000 ans.

« Un animal monstrueux qui dépasse l’entendement et que l’homme tente d’expliquer par ses croyances animistes, sa mythologie, ses religions et, plus tard, par la science. Aucun phénomène n’a donné naissance à autant de mythes, de symboles, de légendes, de rites ou de croyances superstitieuses que le feu. », écrivait-il. Ce qui prend à l’ère de la mondialisation et de l’internet, un caractère encore plus singulier, car il n’est pas aujourd’hui un recoin du web où des images de l’éruption du Cumbre Vieja ne circulent pas.

Ce qu’il disait être le plus beau spectacle de la nature, est aussi à l’origine de la vie : « Si la vie a été possible sur terre, c’est grâce aux volcans. Donc, il faut remercier les volcans, on pourrait même leur dédier une religion, franchement. Et si vous êtes là, c’est grâce aux volcans. », affirmait-il dans une interview. Donc, l’éruption du Culbre Vieja, fait partie de l’ordre naturel des choses, et si les humains se sont installés à sa proximité, ce n’est pas pour la vue, mais parce que les sol volcaniques sont infiniment riches.

Rien que pour l’Archipel des Canaries, dont La Palma n’est qu’une des sept îles principales, sans les volcans, il n’y aurait pas d’agriculture. Observer, notamment sur l’île de Lanzarote, la vigne se développant dans un sol constitué de pierres volcaniques, suffit à comprendre qu’il se passe là quelque chose de magique pour les profanes, mais de parfaitement explicable par les géologues et les botanistes. Mais bien sûr, vivre à proximité des volcans non-éteints comporte des risques, notamment celui de devoir quitter les lieux rapidement et de perdre l’œuvre d’une vie.

Contrairement aux volcans dits explosifs, la Cumbre Vieja est dit effusif, ainsi les coulées de laves projetées avec force du cratère, descendent-elles avec une certaine régularité sur son flanc, à une vitesse d’environ 700 mètres par heure. Ce qui a, grâce à l’efficacité du gouvernement local (cabildo) et des services de secours, permis l’évacuation des résidents, ainsi que des animaux des élevages traditionnels se trouvant sur son passage.

Reste à savoir combien de temps cette éruption va durer, avant même d’en évaluer le coût des dégâts. Si l’on se réfère à l’Instituto Volcanológico de Canarias, qui a été le premier à annoncer son imminence, la moyenne des 6 éruptions historiques survenues précédemment sur l’île entre le XVIe et le XXIe siècle, est de 55 jours avec un minimum de 24 et un maximum de 84.

De ce volcan âgé de 125.000 ans, on garde les traces des observations de ses éruptions à partir du XVe siècle, et c’est seulement depuis le XVIe que des informations sur leur durée sont référencées. Si sa précédente éruption remonte à 1971, il ne faut pas perdre de vue que des essaims sismiques sont survenus en 2017, 2018 et 2020, avant celui précurseur de septembre 2021.