La Francesinha : gourmandise franco-lusitanienne
La cuisine portugaise n'échappe pas à l'influence d'autres pays européens, comme en témoigne par exemple la « Francesinha ».
(Jean-Marc Claus) – L’histoire de la « Francesinha » ou « Petite Française », moins tragique que celle de la « Bola de Berlim », parle aussi d’immigration. Bien que certaines versions font référence aux invasions napoléoniennes de la péninsule Ibérique (1807-1814), la plus probable date de naissance de ce croque-monsieur revisité se situe dans les années cinquante. Daniel David Silva, parti travailler en France, ramena au pays la recette d’un met de bistrot parisien des plus banals, qu’il sut magnifier dans les cuisines du « A Regaleira », le restaurant de Porto qui l’employait alors.
Partant du basique croque-monsieur sans grande originalité, il créa un sandwich aujourd’hui classé parmi les dix meilleurs au monde. Si toutefois « sandwich » est vraiment le terme approprié, car la « Francesinha » ne peut raisonnablement se manger que dans une assiette, et avec des couverts. Conservant les deux tranches de pain de mie comme structure, il y inséra des tranches de « linguiça », saucisse fumée à l’ail et paprika, de saucisse fraîche, de jambon et de viande de bœuf, de veau ou de porc. Le tout complètement couvert de tranches de fromage qui, après passage au four, donne de l’uniformité au plat qui est alors servi avec une sauce à base de tomate-porto-piment, et parfois complété d’un œuf à cheval.
Bombe calorique très riche en lipides, la « Francesinha » se déguste le plus souvent avec… des frites ! Évidemment, car ce n’est plus vraiment un en-cas, mais un plat à part entière que l’on voit couramment servi avec la bière la plus populaire du pays, créée elle aussi à Porto, mais un quart de siècle plus tôt. Ainsi, l’une des spécialités de Porto n’est pas le vin muté du même nom, produit lui plus en amont du Douro, mais la « Francesinha » inventée dans la seconde ville du Portugal par un immigré rentré au pays. Ce qui revient à dire que les mouvements de populations volontaires ou obligés, peuvent être aussi source d’enrichissement mutuel.
Aujourd’hui, au Portugal et dans le monde lusophone, plusieurs variantes de la « Francesinha » originale se concurrencent au classement « As melhores 10 Receitas de Francesinha à Moda do Porto », pour le plus grand bonheur des gourmands. A Porto, la « Yuko – Tavern Ham`s House » ouverte depuis 1987 et qui en propose cinq variétés, figure au sommet des sept meilleures adresses répertoriées en 2020. Le « Lado B Café » créé en 2013 également réputé, propose une intéressante variante végétarienne. Mais l’un des lieux historiques de la « Francesinha » demeure le « Café Santiago » fondé en 1959, c’est-à-dire à l’époque où ce croque-monsieur revisité a vu le jour.
Comme beaucoup de préparations culinaires emblématiques, la « Francesinha » a ses adeptes qui savent mettre en scène tant sa préparation que sa dégustation, comme l’inénarrable Eduardo Oliveira dont la vidéo est une invitation à se rendre à Porto. A condition de ne pas oublier, lors de recherches d’un établissement servant ce croque-monsieur objet d’un étonnant tuning, que « Francesinha » signifie aussi… « french manucure » !
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