La Liste Illa

Salvador Illa, le ministre de la santé, a annoncé le fichage des Espagnol(e)s refusant de se faire vacciner contre la covid-19.

Dès qu’il est question de listing ou de fichage, c’est la panique... Foto: Rolf Brink / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Jean-Marc Claus) – Comme l’a révélé le ministre de la santé Salvador Illa lors d’une interview télévisée, l’Espagne tiendra un fichier listant les personnes ayant refusé de se faire vacciner contre la Covid-19. Ceci provoque une bronca dans les milieux libertaires, « querdenker », mais aussi chez les opposants au gouvernement de coalition de gauche dirigeant le pays. Ce qui prête à rire, car la droite au pouvoir dans la Communauté Autonome de Galice, envisage non seulement de rendre la vaccination obligatoire, mais aussi de réprimer les récalcitrants.

Pour Alberto Núñez Feijóo , le président du PP (Partido Puplar) de cette communauté autonome, ne pas accepter le vaccin relèverait d’une infraction légère au cas où la répercussion serait de faible incidence, mais pourrait être qualifiée de grave voire même de très grave en fonction du dommage causé. L’emploi du conditionnel reste de mise, car les informations manquent sur le barème de gravité, et par ailleurs, rien n’est encore acté. Le projet de loi sera examiné par le Parlement de Galice en février, mais Alberto Núñez Feijóo y disposant d’une majorité absolue, il ne faut pas être devin pour en prédire l’issue. A moins que…

C’est là que l’élément qui fâche de la stratégie vaccinale annoncée par Salvador Illa, pourrait prendre tout son sens, le gouvernement central tentant alors de couper l’herbe sous le pied du gouvernement de la Communauté Autonome de Galice. Non en faisant la même chose et parfois même en pire, comme on peut l’observer dans certaines manœuvres politiques de type bulldozer, mais en s’efforçant de donner du sens à une action ne voulant pas aller à l’encontre bon sens.

Or, quel sens pourrait donc avoir une « Liste Illa » ? Peut-être quelque chose de la « Liste Schindler », en tentant de mettre à l’abri celles et ceux y figurant ? A l’abri de quoi ? Peut-être des dérives autoritaires au nom du bien commun, comme ce qui pourrait se produire en Galice. Un fichage national obligatoire, pourrait-il empêcher un gouvernement régional de légiférer en faveur de dispositions plus dures ? Ce qui est certain, c’est que d’ici février, le Gouvernement Feijóo de Galice, ne pourra pas s’appuyer sur un prétendu laxisme du Gouvernement Sánchez d’Espagne, pour adopter localement des lois clairement répressives.

Évidemment, diffuser sur les réseaux sociaux, sans les contextualiser, des informations sensationnelles et incomplètes de type « L’Espagne va ficher les récalcitrants au vaccin anti-covid-19 », et renvoyer les lecteurs au temps du Gouvernement de Vichy, fait toujours recette. Les « likes » et le « retweet » pleuvent alors comme à Gravelotte, car de telles informations tronquées et manipulées sont malheureusement au goût du jour. Un goût particulièrement dégoûtant, car l’Espagne n’étant pas la France, l’exercice du pouvoir s’y pratique différemment et, à y regarder de près, la démocratie s’y avère en l’espèce bien plus vivante.

Par ailleurs, cette liste réalisée dans le respect de la législation relative à la protection des données, possiblement partagée avec d’autres pays européens, ne sera évidemment pas rendue publique. Il ne sera donc pas plus possible d’aller, dans un but exclusivement prophylactique, incendier le domicile d’un voisin non-vacciné, que dans un but exclusif d’auto-défense, de créer un comité de quartier des non-vaccinés ! Quant au partage des données avec d’autres pays européens, ceux qui s’y opposent peuvent toujours tenter de demander l’asile politique à Boris Johnson au Royaume Uni !

Plus sérieusement, attendre de l’Union Européenne une stratégie commune au sujet de l’actuelle pandémie, et surtout de celles à venir, tout en refusant le partage de certaines données médicales relatives aux individus, a quelque chose de particulièrement incompréhensible. Si la liberté d’aller et de venir doit se combiner avec la liberté absolue de contracter des maladies infectieuses et de les disperser de par le monde, il faut alors supprimer les vaccinations obligatoires et les carnets de vaccination.

Monsieur et madame Ubu pourront ainsi, au péril de leurs vies et de celles des personnes rencontrées sur leur parcours, diffuser la fièvre amarile et le typhus, pour ne citer que ces deux pathologies sévissant l’une en Asie et l’autre en Afrique. « Pour votre sécurité, vous n’aurez plus de liberté !», braillent de concert libertaires et « querdenker », ces derniers trouvant normal que, la préservation de la liberté du groupe minoritaire qu’ils constituent, prive le plus grand nombre de la plus élémentaire sécurité sanitaire.

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