Le fanatisme, ce pieux athéisme !

Le dominicain Adrien Candiard explique très clairement les tenants et aboutissants du fanatisme religieux.

L’Institut Dominicain d’Études Orientales au Caire, où vit et travaille Adrien Candiard. Foto: Abbasyia Ashashyou / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Jean-Marc Claus) – Que le catholique Adrien Candiard soit un dominicain doublé, comme beaucoup de Frères Prêcheurs, d’un intellectuel de premier plan, donne à ses analyses sur les phénomènes religieux extrémistes un caractère particulièrement intéressant. Assumant totalement sa foi chrétienne, versé dans la connaissance des deux autres monothéismes et plus particulièrement de l’Islam, il a publié en 2020 un petit ouvrage de moins de cent pages intitulé Du fanatisme et sous-titré Quand la religion est malade.

Car c’est bien d’une pathologie de la religion dont il s’agit, un peu à l‘instar le gauchisme, maladie infantile du communisme, toute religion pouvant, comme n’importe quelle doctrine, sombrer dans le pathos. Introduisant son propos par un tragique fait divers survenu à Glasgow à la veille du week-end pascal de 2016, l’auteur convoque très vite des penseurs de renom tels que les théologiens Ibn Hanbal et Ibn Taymiyya, ce dernier étant largement instrumentalisé par les salafistes, ainsi que les philosophes Voltaire, Emmanuel Kant, Jean-Luc Marion et Blaise Pascal. Employant le terme paradoxal pieux agnosticisme, Adrien Candiard souligne le caractère destructeur de ce qu’il nomme la théologie du refus de la théologie, aboutissant à un extrême légalisme face auquel il n’y a d’autre option que la soumission ou la mort.

C’est ainsi que l’auteur conclut Les raisons d’une folie, première des trois sections de son livre par « […] le fanatisme est un bannissement de Dieu, presque un athéisme, un pieux athéisme, un athéisme de religieux – un athéisme qui ne cesse de parler de Dieu, mais qui en réalité, sait fort bien s’en passer. ». Dans la section suivante intitulée Le culte des idoles, il abat l’idée fausse selon laquelle le fanatisme résulterait d’un excès de Dieu, et démontre que c’est justement le rejet du divin, remplacé alors par divers objets d’idolâtrie dont la religion elle-même, qui est au cœur de la dynamique fanatique. Une idolâtrie génératrice d’un double enfermement : à l’intérieur de soi-même et à l’égard du réel. Ce qui n’est pas l’apanage d’une seule religion, car l’auteur souligne avec justesse : « Je peux faire de la Bible ou du Coran d’ailleurs, un univers absolument clos, qui ne rencontre jamais le réel. ».

Dans Chemins d’iconoclasme, troisième section de son livre, Adrien Candiard expose en toute humilité, les remèdes au fanatisme extraits de sa pharmacopée personnelle et testés sur lui-même. Quels sont-ils ? Des traitements différents des processus employés avec plus ou moins de succès pour la dé-radicalisation, et qui ont le mérite d‘ouvrir l’esprit tout en répondant aux besoins de spiritualité et d‘échange propres à l’espèce humaine. Pour les connaître, il faut se procurer ce livre et surtout le lire depuis le début, car l’auteur qui n’est pas un enflé influenceur, ne propose pas une recette façon coaching de vie en ligne, donc superficielle et ultra-nombriliste, mais une réflexion dans laquelle l’altérité tient une place importante.

Du fanatisme – Quand la religion est malade par Adrien Candiard Éditions du Cerf – 09/2022 – ISBN 978-2-204-14080-5
90 pg – 10€

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