Les « cuisines fantômes » se multiplient en Espagne

Un phénomène qui n’est pas sans conséquences néfastes...

Le Quartier madrilène de Tetuán, où sont récemment apparues de nombreuses « cocinas fantasmas ». Foto: Luis García / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Jean-Marc Claus) – L’accroissement exponentiel du nombre de commandes de repas livrés à domicile, a provoqué notamment à Madrid et Barcelone, l’apparition de cuisines fantômes (« cocinas fantasmas »). Ce phénomène a été repéré en Amérique Latine notamment par BBC News, il y a un an. La chaîne de fast-food IT Burger a ainsi débuté à Mexico par des livraisons, pour ouvrir deux ans plus tard, enfin un vrai restaurant. Dans ce cas, démarrer à moindres frais permettait à Vincente Cruz, de faire connaître son entreprise, pour ensuite s’installer plus confortablement.

En Espagne, il en va actuellement tout autrement, car c’est la pandémie de Covid-19 qui a conduit des professionnels à délocaliser leurs sites de production. Là encore, le phénomène n’est pas nouveau, car à Madrid, des locaux dédiés à la préparation de repas livrés à domicile ont vu le jour, il y à déjà cinq ans. Leur installation dans des bâtiments commerciaux reconvertis, peut être considérée comme une bonne chose pour l’économie locale.

Par contre, comme le rapporte « El País » dans plusieurs articles, leur installation dans des zones résidentielles pose évidemment problème, comme dans le quartier de « La Prosperidad », où a été imposé aux habitants un bâtiment hébergeant 38 cuisines fantômes et doté d’une cheminée industrielle, ce qui change considérablement du petit supermarché originel. Sans compter le trafic des coursiers qui s’ajoute aux nuisances occasionnées par ce bâtiment à vocation désormais industrielle. Des abus identiques ont été observés dans les quartiers de « Tetuán » et du « Retiro ».

Les demandes de livraison à domicile ont, selon les données de la société Kantar, augmenté de 60% en 2020, et ce phénomène ne va pas diminuer. En créant « Madrid Ghost Kitchens », le businessman argentin Christian Lucco a saisi l’opportunité que représente ce marché. De plus en plus de franchises recherchent des locaux pour y installer leurs cuisines, plus que des restaurants pour y accueillir des clients. L’investissement y est de 75 à 80% inférieur comparé à un restaurant classique, donc dans l’actuel contexte pandémique, le calcul est vite fait.

Des restaurateurs ayant pignon sur rue, parviennent à ne pas sombrer grâce aux livraisons et/ou en maintenant quelques tables ouvertes. Mais certains sont malgré cela contraints de donner en location, une partie de leurs cuisines à des marques virtuelles pour survivre. Les loyers s’élevant alors de 1.000 à 2.500€ mensuels, ne représentent souvent pas une part importante du chiffre d’affaire de ceux qui y ont recours.

Ainsi se dégagent dans la nébuleuse des « concinas fantasmas » deux tendances : les cuisines partagées et les cuisines dédiées. Dans le premier cas, ce n’est pas sans risques, pour les professionnels louant leurs équipement à des marques ne raisonnant qu’en terme de profits immédiats. Dans le second, d’importantes nuisances sont trop souvent imposées au voisinage.

La transformation d’un petit supermarché à « La Prosperidad », la découverte fortuite à « Tetuán » de cuisines fantômes au sous-sol d’un immeuble résidentiel, ne sont que deux exemples parmi d’autres. Mieux encore, quand certains de ces locaux ne dépassent pas les 10m² et sont sans fenêtres, leurs promoteurs ont beau se vanter d’y avoir installé les systèmes de filtration de l’air les plus performants et d’avoir également soigné l’isolation phonique, ils se comportent envers les salariés comme de véritables esclavagistes.

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