« Toit et logement, un droit à l’éducation ! »

C’est en scandant le slogan « Teto e habitação, um direito à educação ! », que les étudiants portugais manifesterontdès demain et durant trois jours, juste avant la journée qui leur est consacrée depuis 1987.

« O Estudante », sculpture en bronze réalisée en 1961 par Domingo Soares Branco et exposée à l’Université de Lisbonne, parle aujourd’hui de l’état de dénuement et d’épuisement, dans lequel se trouvent certains étudiants. Foto: GualdimG / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Jean-Marc Claus) – Répondant à l’appel des organisations académiques métropolitaines d’Algarve, d’Alto Douro, d’Aveiro, de Coimbra, de Beira Intérior, d’Évora, de Trás-os-Montes, ainsi que de celles de territoires insulaires comme les Açores et l’Archipel de Madère, de même que la fédération académique de Lisbonne, les étudiants du supérieur sont appelés à manifester durant trois jours au Portugal, du 21 au 23 mars. Un mouvement calé juste avant la Journée Nationale des Étudiants (Dia Nacioanal di Estudante).

Cette journée fut instituée en 1987, sous un gouvernement dirigé par Anibal Cavaco Silva, membre du Parti-Social Démocrate (PSD) de centre-droite, qui jusqu’ici accusa la plus grande longévité au poste de Premier Ministre. Elle a pour but, selon les termes de son décret fondateur, « d’encourager les étudiants à participer à la vie scolaire », ainsi qu’à « la coopération et la coexistence entre eux ». Or, juste avant cette journée qui leur est dédiée, les étudiants portugais vont se rassembler en divers lieux du pays pour manifester sous le slogan « Teto e habitação, um direito à educação ! »(Toit et logement, un droit à l’éducation !).

Ceci car l’inflation du marché de l’immobilier, provoquant une augmentation du coût du logement étudiant, met gravement en péril les équilibres financiers de nombreux jeunes et de leurs familles, au point pour certains d’envisager de renoncer à poursuivre leurs études universitaires, voire même à ne pas en entamer. Or, le décret instituant la Journée Nationale des Étudiants, visait « la démocratisation et le développement de l’éducation », de même que « l’établissement de liens entre les étudiants et la société ».Ainsi, lorsque durant trois jours, les étudiants portugais scanderons « Teto e habitação, um direito à educação ! », ils diront ainsi aux gouvernants du pays, que le beau projet du 8 mai 1987 n’est plus possible, si les études deviennent accessibles à seulement une minorité.

Les étudiants rappellent l’existence d’un Plan National pour le Logement dans l’Enseignement Supérieur (PNAES), dont le déploiement n’est pas à la hauteur de l’urgence des besoins, alors qu’en 2024, nous sommes à mi-parcours de la période 2018-2030 qu’il est censé couvrir. A titre d’information, les rapports de l’Observatoire du Logement Étudiant montrent notamment que de septembre 2021 à septembre 2023, le tarif mensuel moyen de location d’une chambre est passé de 268€ à 337€ soit une augmentation de plus de 25%.

A l’automne dernier, le tarif le plus élevé pointé par l’indicateur, était à Lisbonne (645€) et le plus bas à Ponte Delga (50€). Ainsi est-il préférable de se loger aux Açores que dans la capitale, mais en métropole à Viana do Costelo, avec une moyenne de 250€ oscillant entre tout de même de 76€ à 350€, le tarif est préférable à celui à Lisbonne qui, pour une moyenne de 450€, va de 250€ à 645€.

Il est a noter que le Plan National pour le Logement dans l’Enseignement Supérieur (PNAES), inclus dans le Plan de Relance et de Résilience (PRR), a pour coordinatrices Ana Pinho et Elsa Justino, toutes deux universitaires et impliquées précédemment, qui en tant que secrétaire d’État au logement et qui directrice de services d’action sociale universitaire.

Les étudiants portugais ont su se mobiliser à de nombreuses reprises. Ainsi, en 1962, durant plusieurs mois, ont-ils fait grève contre la décision de l’Estadao Novo d’interdire la célébration de la Journée des Étudiants, ancêtre de l’actuelle Journée Nationale des Étudiants. Si le gouvernement salazariste remporta cette manche, elle eut pour effet boomerang de l’éveil à l’activité politique de toute une génération.

D’où, en avril 1969, le rapport force à l’Université de Coimbra, où le recteur avait refusé une prise de parole aux étudiants lors de l’inauguration du nouveau bâtiment de la Faculté des Mathématiques. La crise dura jusqu’à la fin de l’année et les arrestations ainsi que le siège de l’université par la Garde Nationale, eurent pour effet de renforcer le mouvement. Sans compter l’intensification de l’enrôlement obligatoire de la jeunesse pour les guerres coloniales menées en Afrique, qui participa de la Révolution des Œillets cinq ans plus tard.

Depuis ces deux importantes mobilisations, d’autres manifestations eurent lieu, et celle des 21-22-23 mars de cette année s’avère prometteuse. Reste à savoir si la rapide montée en puissance de Chega, qui en cinq ans passe aux législatives de 1,29% à 18,06%, aura une incidence sur l’engagement des étudiants, car s’il n’est pas encore au pouvoir ce parti d’extrême-droite s’est déjà positionné pour accroître les privatisations dans les domaines de la santé et de l’éducation.

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste