Los rastreadores, ces corona-détectives

Les services de santé espagnols ont développé un intéressant dispositif destiné à identifier et briser les chaînes de contamination de la Covid-19.

Les « rastreadores » sont les Sherlock Holmes de la bataille menée par les services de soins espagnols contre la pandémie de Covid-19. Foto: Dynamosquito de France / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.0

(Jean-Marc Claus) – Suite à un article publié dans La Vangardia et à un reportage de la RTVE, les Espagnol(e)s peuvent enfin mettre quelques visages sur les « rastreadores », inlassables pisteurs de virus partant à la recherche de toutes les personnes entrées en contact avec des sujets s’avérant positifs à la Covid-19. Contrairement à ce à quoi l’on pourrait s’attendre, ils ne quittent quasiment jamais leurs postes de travail. Leur armement se résume à des terminaux d’ordinateurs et des casques de téléphone.

El Independiente a également publié un article détaillé sur le rôle de celles et ceux qu’il nomme « les détectives du coronavirus ». Éléments clés du dispositif mis en place par la Société Espagnole de Santé Publique et l’Administration de la Santé (SESPAS), ils sont formés spécifiquement pour la pandémie de Covid-19. Mais le système n’est pas nouveau, car il existait déjà pour le suivi des personnes atteintes de certaines pathologies infectieuses. Dans l’actuelle crise sanitaire que traverse l’Espagne, le nombre de « rastreadores » a dû être augmenté, mais il reste insuffisant avec la réapparition de foyers infectieux. D’où le mécontentement de médecins généralistes, placés en première ligne, qui se font entendre via la Société Espagnole de Médecine Rurale et Généraliste (SEMeRGen).

Lorsqu’un cas de Covid-19 est détecté, une recherche de ses contacts commence très rapidement. Sont concernées les personnes ayant été en contact avec le patient zéro jusqu’à 48h00 avant l’apparition des symptômes ou du diagnostic par test PCR si le sujet est asymptomatique. Il faut l’avoir approché à moins de deux mètres et durant plus de quinze minutes pour figurer au nombre des possibles contaminé(e)s. Pour les déplacement sur de longues distances, sont concernées les personnes se trouvant dans un rayon de deux sièges du sujet et les personnels ayant été en contact avec lui. Donc, pas de traçage tous azimuts, mais du pistage raisonné.

La démarche consiste à questionner la personne infectée pour obtenir les noms des possibles cas-contact. Si elle ne peut pas les identifier tous, les « rastreadores » se livrent à une enquête à distance pour laquelle il leur est possible de demander le concours de la Guardia Civil lorsqu’ils rencontrent certaines réticences à fournir des données ou rendre des fichiers accessibles. Les situations impliquant des personnes sans domicile fixe, des saisonniers, des travailleurs précaires sont toujours délicates, car à la difficulté d’isoler s’associe la complexité du traçage des potentiels cas-contacts. D’où la pression ressentie par les « rastreadores ».

Beaucoup d’entre eux sont des infirmier(e)s qui, au plus fort de la pandémie, travaillaient dans les hôpitaux. Une bonne partie a moins de 25 ans, mais ils sont tous supervisés par des seniors. Leur sens des responsabilités, décrit par La Vangardia, force le respect. Quotidiennement et inlassablement, ils traitent les données transmises par les lieux de soins. Avec les personnes infectées, les « rastreadores » reconstituent par téléphone les 48 heures précédant leur détection. Dans un second temps, ils prennent contact avec celles et ceux qui sont susceptibles d’avoir été contaminés, soit en ayant obtenu directement leurs coordonnées, soit en se livrant à un travail de détective.

Dans toutes leurs investigations, le nom du patient zéro est couvert par le secret professionnel, tout autant que l’identité des possibles cas contacts. Un cloisonnement indispensable d’un point de vue éthique, mais aussi nécessaire pour éviter qu’à la maladie s’ajoutent de toujours possibles règlements de comptes. Durant toute la période de leur isolement, les personnes bénéficient d’un suivi téléphonique assurant écoute et conseil. Sans un minimum de civisme chez les personnes concernées, tout ce travail n’a aucun sens. D’où la nécessité, pour les « rastreadores » de développer leurs capacités d’empathie. Ainsi n’apprécient-ils pas qu’on les nomme « trackers », car s’ils mettent un point d’honneur à traquer le virus, ils ne traquent pas les malades mais font un travail de fins limiers pour le bien de tous.

Faisant suite à la récente demande d’Ada Colau, la maire de Barcelone, d’augmenter le nombre des personnels dédiés à cette tache, la « Generalitat de Catalunya » a annoncé l’embauche de 500 professionnels venant renforcer les 120 actuellement en poste. D’une communauté autonome à l’autre, les moyens et les organisations diffèrent. « La Rioja » a développé une application nommée « ControlCovid », destinée autant à identifier les chaînes de transmissions qu’à assister les personnes contaminées. A Gran Canaria, une bibliothèque publique est devenue le P.C. Opérationnel des « rastreadores », alors qu’a Tenerife, ce sont les Centres de Soins Primaires qui les hébergent. Aux Baléares, chaque Centre de Soins Primaires compte au sein de son équipe pluridisciplinaire au moins une infirmière et un technicien dédiés à ce travail, leur plate-forme de coordination étant installée à Palma de Majorque. Ici, décentralisation ne rime pas avec désorganisation, mais avec adaptation aux réalités du terrain.

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