Mazagão, du Nord de l’Afrique à l’Amérique du Sud

Histoire d’une colonie portugaise déplacée du nord de l’Afrique à la forêt amazonienne.

La foule rassemblée devant l’église de Mazagão Velho pour la São Tiago. Foto: Government of Amapa / Wikimedia Commons CC-BY 3.0

(Jean-Marc Claus) – En 1769, sous la pression énorme d’une armée de 120.000 soldats maures et berbères, les quelques 2.000 occupants de la forteresse de Mazagan ou Mazagão sur la côte atlantique de l’actuel Royaume du Maroc au sud de Casablanca, savaient qu’ils ne tiendraient pas, comme huit années plus tôt face à une force identique. La Couronne du Portugal s’était déjà séparée de ses possession de Ceuta, Tanger, Mogador et Agadir, alors il fallait quitter rapidement ce fortin construit en 1514, pour prendre la direction de Lisbonne.

Un déplacement de population qui nécessita 14 navires, dépêchés par la métropole, les évacués au nombre desquels figuraient des musulmans convertis au christianisme et des esclaves d’Afrique subsaharienne, croyant ainsi s’installer à proximité de la capitale. Mais il n’en fut rien, le pouvoir décida de créer pour eux Nova Mazagão, dans la forêt amazonienne. Du climat sec du Nord de l’Afrique à la moiteur de la forêt primaire, le changement fut rude pour ces infortunés migrants. Confrontés à un environnement hostile qui leur était jusqu’ici inconnu, ils ne purent s’adapter et encore moins se développer. Maladies parasitaires, perte des maigres récoltes, les hommes autant que les animaux souffrirent de cette réimplantation sans préparation.

En 1785, la ville ne comptait plus que 900 habitants, soit une perte de 55% depuis leur départ d’Afrique seize ans plus tôt. Touchés par l’alcoolisme, végétant dans l’indifférence la plus totale du pouvoir colonial, c’est par l’accès du Brésil à l’indépendance en 1915 que le sort de ces descendants de migrants fut enfin pris en compte. Une nouvelle fois déplacés, ils furent intégrés à une ville existant déjà et rebaptisée Mazaganopolis. Certains restèrent néanmoins dans la colonie initiale, qui prit le nom de Mazagão Velho et aujourd’hui Mazaganopolis se nomme aussi Mazagão.

La cloche de l’église de la citadelle africaine avait fait le voyage transatlantique, et elle est toujours en fonction au clocher de la ville amazonienne. Elle rappelle aux habitants du temps présent, leurs liens avec un passé nord-africain. Ils y célèbrent chaque été à la mi-juillet, la São Tiago (Saint Jacques) lors d’un carnaval qui dure neuf jours, durant lesquels les jeunes brésiliens se déguisent en soldats maures, sur lesquels les enfants mettent des écorces d’oranges. De l’autre côté de l’Atlantique, la forteresse dont les Portugais avait abattu les murs en partant, a été reconstruite pour prendre le nom de El-Jadida (La Rénovée), et figure depuis 2010 au Patrimoine Mondial de l’UNESCO.

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