Megachurches et Covid-19

Pâle représentation des megachurches d'Outre-Atlantique, l'assemblée pentecôtiste, bien malgré elle à l'origine du « cluster mulhousien », n'en a heureusement pas tous les travers.

Comme dans toutes les structures ecclésiales de ce type, lors des célébrations de la megachurch de Southlake (Dallas), la promiscuité et le nombre sont de règle. Foto: Jared Stump / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Jean-Marc Claus) – Comme l’ennemi vient plus souvent de l’intérieur, certains protestants, dont un pasteur en retraite, ne se sont pas gênés pour accabler les responsables de l’assemblée mulhousienne devenue involontairement un cluster du Covid-19. Réforme s’en est alors fait l’écho sur son site internet, y associant les nombreuses prises de position allant à l’encontre de cette stigmatisation absurde. Nous assistons en Europe, depuis quelques années, au développement de simili megachurches, phénomène lié à l’emprise de phénomènes irrationnels, mais au demeurant parfaitement explicables par l’impact du multimedia sur les individus et le renoncement collectif au libre arbitre. Cependant, nous sommes encore loin de ce qu’il est possible d’observer aux USA et dans certains pays d’Amérique Latine, dont le Brésil. Pourtant, ne pouvant nous en prétendre à l’abri, il est nécessaire de nous en prémunir en y restant attentifs.

C’est justement là que les propos de Jean-Paul Morley, pasteur à l’origine de la charge contre les pentecôtistes mulhousiens, arrivent à point nommé car, de façon certes très tranchée, il place plus généralement le problème principal dans une juste perspective. Oui, penser que Dieu choisit qui guérit et qui meurt de la pandémie, c’est l’en rendre responsable, et même lui attribuer un caractère machiavélique aux antipodes du message biblique. Par ailleurs, prétendre que la foi immunise de la maladie est aussi stupide que, de faire le tour du sarcophage de la centrale de Tchernobyl durant sept jours en jouant du pipeau, espérant ainsi en voir tomber les murs et se neutraliser le rayonnement, histoire de reproduire la prise de Jéricho par les Hébreux. Pourtant, au sein de certaines megachurches états-uniennes, comme celle dirigée au Texas par le télévangéliste Kenneth Copeland, les fidèles suivant le culte télévisé sont invités à poser leurs mains sur leur poste pour recevoir la guérison hic et nunc. Cette « théologie » du coronavirus, apparue début Mars, conduit même certains prédicateurs comme, en Floride, le pasteur pentecôtiste Rodney Howard-Browne, non seulement à affirmer que l’église est un lieu où ils peuvent se sentir en sécurité, mais mieux encore, à s’affranchir des gestes barrière ! Ces exemples ne sont pas uniques car, pour une branche du protestantisme faisant souvent passerelle avec les  charismatiques de tous crins, la pandémie est une aubaine permettant de récupérer des individus apeurés et d’assurer un contrôle social efficace sur une frange de la population. Les prédicateurs, tels Johann Tetzel, alimentant avec brio le commerce des indulgences, à la fin du Moyen-Âge, étaient vraiment de petits joueurs, en comparaison de certains télévangélistes du temps présent. Visiblement, les 95 thèses affichées par Martin Luther sur le portail de l’église de Wittenberg en 1517, notamment le 52eme affirmant :« Il est chimérique de se confier aux indulgences pour le salut quand même le commissaire du Pape ou le Pape lui-même y mettraient leur âme en gage. », ne sont pas connues par ces charlatans revivalistes porteurs de mort, à l’instar des Pharisiens qualifiés de « sépulcres blanchis » par le Fils du Charpentier Palestinien.

Plus grave encore, l’emprise de ces prédicateurs réactionnaires ne se limite pas à téléguider le quotidien des petites gens. C’est grâce à eux que sont arrivés au pouvoir, aux Amériques, des monstres d’inhumanité tels que Donald Trump en 2017 et Jair Bolsonaro en 2019. Ce mouvement est loin de faiblir, car en vue des  présidentielles états-uniennes de novembre prochain, en début d’année, Guillermo Maldonado, prédicateur de la megachurch El Rey Jesus (Miami), a lancé le mouvement « Evangelicals for Trump ». Ce même pasteur qui se moquait ouvertement des fidèles ne se rendant pas au culte par crainte du virus. Dans ce contexte, il n’est alors guère étonnant d’entendre certains prétendre que le Covid-19 procède d’un jugement divin contre les USA qui autorisent avortement et mariages homosexuels, qu’il touche préférentiellement les états démocrates, qu’il est, comme un esprit maléfique, délogeable par des pratiques dignes d’une des meilleures reprises de « L’exorciste ». Ces parti-pris quasiment délirants ne sont heureusement pas partagés par tous les évangéliques Outre-Atlantique, mais l’Histoire a montré à de nombreuses reprises comment une minorité agissante peut faire basculer dans l’abîme une majorité silencieuse. Par ailleurs, les mouvements revivalistes européens s’abreuvant historiquement à des sources internes, comme par exemple la doctrine des Frères Moraves, ayant aujourd’hui la fâcheuse tendance de se laisser très facilement monter le bourrichon par The Voice of America, nous ne sommes pas totalement à l’abri ici d’une vague de crétinerie bondieusarde, que les pères de la Réforme pourfendraient avec vigueur s’ils étaient encore de ce monde.

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Si Outre-Atlantique, l’arrivé de la pandémie de Covid-19, a complètement tourneboulé certains milieux évangéliques, il importe aussi de se demander pourquoi, notamment en Amérique Latine, les assemblée évangéliques ont pris une telle importance, ce qui fera l’objet d’un prochain article intitulé cette fois-ci « Megachurches vs Théologie de la Libération ».

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