Melilla, l’autre Ceuta ?

Considérée comme la sœur jumelle de Ceuta, Melilla ne l’est pas tout à fait.

Melilla, zone plus fortement urbanisée que Ceuta, reste un pôle d’attraction pour les réfugiés-migrants. Foto: J J Marelo / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.0

(Jean-Marc Claus) – Ville autonome espagnole sur la côte nord-africaine tout comme Ceuta, Melilla fait partie des rares lieux de passage terrestre reliant l’Afrique à l’Europe. D’où le pôle d’attraction que ces deux enclaves espagnoles sont devenus pour les réfugiés-migrants, arrivant pour la plupart d’Afrique Subsaharienne. Apparaissant sur la scène de l’actualité seulement lors d’arrivées massives de ces derniers, ce confetti d’Europe a une longue histoire, antérieure à ces événements contemporains tragiques.

Habitée depuis le Néolithique, fondée au VIIe siècle av. J-C par les Phéniciens qui la nommèrent Rusadir, conquise par les Carthaginois au IVe siècle avant J-C, incluse en 201 av. J-C dans le royaume de Numidie vassal de Rome qui, comme Ceuta, l’annexa en l’an 42, Melilla contrôlée par les Berbères, connut l’occupation musulmane en 680 pour être rattachée au califat des Omeyades. Soumise à cinq dynasties, du VIIe au XVe siècle, La Reconquista (782-1492) de la Péninsule Ibérique par les Rois Catholiques, eut pour effet de la rattacher à l’Espagne en 1497, alors que Ceuta appartenait au Portugal depuis 1415.

De la prison contrôlée par la Couronne d’Espagne (1556), au territoire vivant aujourd’hui du secteur tertiaire grâce à des perfusions budgétaires espagnoles et européennes, un important chemin a été parcouru. Chemin qui a différé de celui suivi par Ceuta, sa fausse jumelle située près de 400 km plus à l’Ouest. Même si par certains côtés, elle lui est très proche. Notamment par son refus de se constituer communauté autonome, comme le permet la Constitution de 1978, et son attachement à l’Espagne Continentale via la Comunidad Autónoma de Andalucía.

Promue en 1995 Ciudad Autónoma, la rendant ainsi proche d’une communauté autonome sans pour autant devoir en assumer toutes les conséquences, elle est rattachée à la Province de Malaga, comme Ceuta à la Province de Cadix. A l’instar de Ceuta, jusqu’il y a peu, l’économie dite informelle, faisait florès à Melilla, via les femmes-mulets.

Assurant une liaison pluriquotidienne permettant à l’économie espagnole d’écouler des denrées et biens de consommation vers le Maroc, ces dernières se sont retrouvées brutalement sans ressources, suite à la fermeture des points de passage de la frontière par les autorités marocaines. Mais le Royaume du Maroc ne les a pas totalement abandonné, car passer du statut de bête de somme dans auto-entrepreneuriat de l’économie informelle, à ouvrière en contrat à durée indéterminée dans une entreprise ayant pignon sur rue, va bien au delà d’une simple promotion sociale.

Melilla reste, malgré les tiraillements géopolitiques dont elle fait toujours l’objet, une enclave où plusieurs communautés vivent en bonne intelligence. Appelée aussi la Ville aux Quatre Cultures (musulmane, israélite, chrétienne et… hindoue), l’émission la Radio Télévision Espagnole (RTVE) lui a en mai dernier consacré un reportage à l’occasion de la fin du Ramadan. Le multiculturalisme n’est pas ici une théorie, mais une réalité concrète.

L’universitaire Alicia Fernández García, dont cette cohabitation était le sujet de thèse en 2016, a publié l’année suivante « Vivre ensemble – Conflit et cohabitation à Ceuta et Melilla ». Mais l’espagnolité (españolidad) de Melilla comme de Ceuta, ne fait pas forcément consensus en Espagne Continentale. Même si au fil de l’histoire contemporaine, le PSOE et le PCE sont revenus de leur position anticolonialiste initiale.

En 1977, Narcis Serra voulait leur restitution au Maroc, et dix ans plus tard, Felipe González plaidait leur maintien dans la Couronne. En 1975, le PCE se positionnait pour la rétrocession ainsi que dans les premières années d’Izquierda Unida, coalition fondée en 1986, dont il est un élément important. C’est l’auto-dissolution en 1987 des sections PCE des deux villes, en désaccord avec les instances centrales du parti, qui provoquèrent le retrait de la rétrocession du programme d’Izquierda Unida en 1993.

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