Miguel Bombarda, le psychiatre humaniste et républicain

Qui n’a pas, au Portugal, emprunté une rue ou traversé une place, portant le nom du « Professor Bombarda », comme le nommaient certains de ses contemporains ?

La rue Miguel Bombarda à Lagos, en Algarve et non au Nigeria. Foto: Kolforn / Wikimedia Commons / CC-BY 3.0

(Jean-Marc Claus) – Nombre de rues et de places portent son nom au Portugal, Miguel Augusto Bombarda est né en 1851 au Brésil indépendant depuis un bon quart de siècle, il a étudié la médecine à Lisbonne, où une fois médecin, il dirigea à partir de 1892 l’Hospital dos Alienados de Rilhafoles, aujourd’hui désaffecté et devenu Museu Miguel Bombarda. L’annonce de son décès en 1910, provoqua un vaste rassemblement populaire, devant l’institut lisboète de médecine légale. L’institut de médecine légale, car assassiné par un des patients de l’hôpital psychiatrique qu’il dirigeait.

Un décès tragique survenu deux jours avant la proclamation de la République du Portugal par José Relvas, et quelques heures avant la révolte qui aboutit au renversement de la monarchie constitutionnelle agonisante, ainsi qu’au départ de Manuel II de Portugal pour un exil au Royaume-Uni via Gibraltar. Viscéralement républicain « o Professor Bombarda », comme le nommaient certains de ses contemporains, contribua très largement à une avancée progressiste, qu’il ne vit malheureusement pas se réaliser.

Assassinat politique, serait-on tenté de dire, car commis par le monarchiste lieutenant Aparecio Rebelo dos Santos. Mais ce patient avait surtout développé un délire de persécution, face auquel à l’époque les moyens thérapeutiques étaient inexistants, les neuroleptiques arrivant dans la pharmacopée psychiatrique une quarantaine d’années plus tard. Donc, la théorie du complot monarcho-clérical est à exclure, sans pour autant perdre de vue l’incidence de ces structures de pensée et systèmes sur les individus.

Fondé en 1848, l’Hospital dos Alienados de Rilhafoles était doté d’un Pavillon de Sécurité (Pavilhão de Segurança) construit en 1896 à la demande de Miguel Bombarda. Cet ancêtre des Unités pour Malades Difficiles (UMD) a été imaginée par José Maria Nepomucento, un talentueux architecte associant pour cet édifice, structure panoptique circulaire et style Art-Déco. Très ventilé, il est en parfaite adéquation avec les théories et recommandations prophylactiques des hygiénistes du XIXe siècle.

Psychiatre avant-gardiste, républicain et anticlérical de premier plan, Miguel Bombarda s’attela autant au traitement humaniste des malades mentaux, qu’au progrès social qu’il ambitionnait pour son pays. Auteur de plusieurs ouvrages médicaux, il fut aussi en 1910 élu député du Parti Républicain qu’il avait intégré l’année précédente. Précédemment, en 1891, une tentative de soulèvement militaire avait échoué à Porto, ainsi le drapeau rouge et vert fut-il banni ainsi que la chanson « A Portuguesa » interdite.

La bannière couleur d’espoir et de sang, fut adoptée par le Gouvernement Provisoire issu de la Révolution de 1910. Un drapeau où figurent dans un éucu les armes nationales sur une sphère armillaire manuéline, signe d’un certain attachement au passé glorieux du pays, fut-ce à une époque monarchique. Ce qui n’aurait très certainement pas déplut, à l’homme cultivé qu’était Miguel Bombarda. « A Portuguesa » devint par approbation de l’Assemblée Constituante de 1911, l’hymne du pays toujours en vigueur aujourd’hui.

Cette étape de l’histoire du Portugal, à l’avènement de laquelle le psychiatre humaniste et républicain contribua largement, marque la fin de l’emprise de l‘Église Catholique sur le destin du pays. Même s’il est aujourd’hui d’usage, d’affirmer que les Portugais sont très catholiques tout comme leurs voisins Espagnols, la place prépondérante que peut tenir l’Église dans la société, ne lui est donné qu’en des temps ou s’exerce un pouvoir non républicain et nationaliste. Alors juste comme ça, quand un parti fait campagne avec pour devise « Deus, Pátria, Família e Trabalho », ça devrait logiquement provoquer un déclic…

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