Raffaella Carrà aura sa place à Madrid

Quand une artiste italienne politiquement à gauche, est choisie pour donner son nom à une place de Madrid, gouvernée par la droite et le centre-droite, soutenus par l’extrême droite...

Raffaella Carrá et Manuela Carmena lors de la Fête de la République célébrée à Madrid en 2017. Foto: Diario de Madrid / Wikimedia Commons / CC-BY 4.0

(Jean-Marc Claus) – Rita Maestre, la conseillère municipale de « Más Madrid », mouvement de gauche créé en 2018 par Manuela Carmena, l’a annoncé, il y a une dizaine de jours sur son compte Facebook : « Lo conseguimos. Raffaella Carrá tendrá plaza en su nombre en Madrid. » (Nous l’avons obtenu. Raffaella Carrá aura une place à son nom à Madrid.). Un cri de joie et d’enthousiasme qui a suscité un certain nombre de réactions à sa suite. En quoi, dédier une place madrilène à une artiste italienne, est-ce autant une victoire qu’un sujet de polémiques ?

Raffaella Carrà née Raffaella Maria Roberta Pelloni (1943-2021), a commencé une carrière d’actrice dans les années cinquante, alors qu’elle était encore enfant. Parallèlement à son parcours dans le cinéma, danseuse, chanteuse, animatrice d’émissions de télévision, elle fut régulièrement présente sur les écrans de la RAI jusqu’en 2019. En somme, une personne incontournable et unanimement appréciée dans les médias.

Mais alors, quel rapport avec l’Espagne ? Raffaella Carrà était également connue dans le monde hispanophone depuis 1975, tant sur la Péninsule Ibérique qu’en Amérique Latine. Proche du Parti Communiste Italien (PCI), elle se positionnait toujours du côté des travailleurs. Elle a, par ailleurs, activement milité par des chansons, en faveur des droits des femmes et des homosexuels. En 2017, Manuela Carmena, alors maire de Madrid, l’avait invitée pour la fête nationale italienne, célébrée dans la cour de l’espace culturel madrilène Conde Duque.

Une Fête de la République alors ouverte à tous, qui, dans une monarchie constitutionnelle, n’a pas fait que des heureux ! Pourtant, l’Italie, qualifiée par certains de « pays presque voisin », n’est culturellement pas si éloignée de l’Espagne. Les réactions provoquées par l’annonce de la prochaine création d’une « Plaza Raffaella Carrà » à Madrid, furent très contrastées. Malgré les cris d’orfraie scandalisés par le choix d’une personnalité non-espagnole, et les propos hors sujet invitant Más Madrid à s’occuper enfin des « vrais problèmes », alors que non-majoritaire au conseil municipal de la ville, un grand nombre de commentaires positifs s’est fait jour.

Il semblerait alors qu’un axe Rome – Madrid, existe au moins pour le domaine des arts et de la culture. Mais est-ce le cas dans les catégories populaires, où comme en France, l’extrême-droite recrute, en exploitant habilement le mécontentement ? S’il est vrai qu’une telle réussite de Más Madrid ne va ni remplir le frigo ni réconforter les familles des 1.400 morts d’accidents du travail au cours de ces deux dernières années, il n’en demeure pas moins juste que le pouvoir se gagne par les idées.

Un concept gramscien délaissé par la gauche, que droite et extrême-droite ont habilement repris à leur compte. Ainsi, obtenir à Madrid, actuellement gouvernée par la droite et le centre-droite soutenus par l’extrême-droite, qu’une place porte le nom de Raffaella Carrà, procède bien de la lutte contre l’hégémonie culturelle. Reste à voir comment la gauche, ici représentée par des élu(e)s de Más Madrid et du Partido Socialista Obrero Español (PSOE), poursuivra le combat.

Il ne manquerait plus que José Luis Martínez-Almeida Navasqüés, maire de Madrid et Isabel Natividad Díaz Ayuso, présidente de la communauté de Madrid, instrumentalisent alors la personne et le parcours de Raffaella Carrà, comme un certain Nicolas Sarközy de Nagy-Bocsa l’a, en son temps, fait avec Jean Jaurès et Guy Môquet. C’est justement là qu’il faut veiller et régulièrement remettre les pendules à l‘heure, car dans l’esprit de beaucoup trop de nos concitoyens, droite et extrême-droite gagnent en crédibilité quand ils recyclent des idées et instrumentalisent à leur profit, les dires de certaines personnalités de gauche.

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