Steinbourg deviendra-t-il un village méthanier ?

Un projet d’implantation d’une unité de méthanisation industrielle à Steinbourg, rencontre l’opposition de citoyens, réunis dans un collectif. Interview de Pascale Lips, sa présidente.

Le site d’implantation se trouve au cœur de la zone naturelle, proche du canal de la Marne au Rhin, longé par l’EuroVélo Route n°5. Foto: Collectif QVSE

(Jean-Marc Claus) – Fin novembre le collectif « Qualité de Vie Steinbourg & Environs (QVSE) » créait son compte Facebook, rendant ainsi plus largement visible l’opposition de citoyens à l’implantation d’une usine de méthanisation, à proximité de leur lieu de vie. Pascale Lips, résidant à Steinbourg, très impliquée dès le début de la mobilisation, et de par sa profession soucieuse des enjeux de santé publique, répond à nos questions.

A l’heure où nous traversons une crise du coût de l’énergie, n’est-il pas intéressant de produire localement une partie du gaz dont nous avons besoin, plutôt que de l’importer ?

Pascale Lips : Bien entendu, l’explosion des coûts de l’énergie et l’objectif du plan climat visant la neutralité carbone jusqu’en 2050, sont des facteurs qui encouragent à trouver des alternatives favorables à l’indépendance énergétique. Une production locale de biogaz pourrait apparaître comme une solution pertinente, pour remplacer les énergies fossiles, mais à échelle raisonnée. La centrale de méthanisation industrielle CVE (Changeons votre Vision de l’Energie), prévue à Steinbourg, s’avère tout à fait disproportionnée par rapport aux besoins locaux, des méthaniseurs agricoles étant déjà en fonctionnement dans d’autres villages proches.

Quelles vont être, l’emprise de cette usine sur le territoire de la commune, ainsi que les conséquences prévisibles de son exploitation sur le réseau routier ?

Pascale Lips : Cette usine sera implantée dans un site qui est pour l’instant classé en zone agricole, sur environ 2,5 hectares d’emprise au sol, avec 3 cuves et 1 torchère. Elle traitera 100 tonnes de déchets par jour, c’est-à-dire 30.000 tonnes/an. L’accès au site n’est pas encore véritablement défini, mais l’infrastructure devra être créée. Pour l’instant, il se fait par des chemins agricoles, avec passage sur le domaine d’une autre entreprise, ce qui n’est pas adapté. Notre village aurait été choisi pour sa proximité avec l’autoroute. CVE dit que les camions ne le traverseront pas. Cela est difficile à croire, de même que le nombre de camions annoncés par CVE, évalué à une dizaine. Ce qui semble illusoire entre les transports des intrants (matières organiques nécessaires) et du digestat (résidus après méthanisation).

Quels en seront selon vous, l’impact sur la qualité de vie des habitants du village et des environs, ainsi que la valeur du foncier bâti ?

Pascale Lips : Cette usine de méthanisation aura un impact sur la qualité de vie des riverains de par la rotation de camions pour l’apport des déchets collectés (dans un rayon de 70 km) et la rotation d’engins d’épandage pour l’évacuation du digestat (dans un rayon de 10 à 20 km). L’augmentation de la circulation accroît les risques d’accidents pour piétons et cyclistes. Le site d’implantation est au cœur d’une zone naturelle, proche du canal de la Marne au Rhin longé par l’EuroVélo Route n°5. Il y a un impact visuel négatif sur le port de plaisance du village, ainsi qu’un risque pour la biodiversité. Des nuisances sonores et des odeurs nauséabondes vont déprécier la valeur de l’immobilier local. Sans compter que, par probable insuffisance des intrants locaux, Steinbourg va, le cas échéant, devenir la poubelle du Grand Est.

Pour parodier la célèbre réplique de Staline à Churchill, permettez-moi de vous demander  : « QVSE, combien de divisions ? ».

Pascale Lips : « Qualité de Vie Steinbourg et Environs » est une association nouvellement créée, les statuts ont été déposés au Tribunal Judiciaire et nous attendons la parution de l’annonce légale. Les habitants du village sont en majorité contre ce projet, qui leur est imposé sans concertation préalable. Nous avons l’appui d’une partie des conseillers municipaux, au nombre des membres fondateurs de QVSE, ainsi que de villages voisins, notamment Dettwiller, où le conseil municipal a voté à l’unanimité, une motion contre l’usine de méthanisation CVE.

Quelles sont vos actuelles et futures actions ?

Pascale Lips : Un premier tract d’information publique a été distribué. C’est ainsi que la population a découvert ce projet ! Un encart avait été mis dans le bulletin communal au mois de mai avec le lien du site CVE, et ultérieurement, un petit carton pour s’inscrire à un groupe de travail, carton distribué à une seule partie des habitants. L’information était confidentielle et en tous les cas, peu efficace ni très claire. Les cartons d’invitation sont alors partis à la poubelle ! Une pétition papier nous a permis d’échanger avec les villageois. Elle a recueilli 946 signatures dans un village comptant 1600 inscrits aux listes électorales pour 1900 habitants. Il y a eu la création d’une page Facebook dédiée et l’ouverture d’une pétition en ligne. Des affiches et banderoles fleurissent dans le village. Nous avons incités les citoyens à participer au groupe de travail de CVE, même s’ils n’y étaient pas conviés. Ce qu’ils ont fait, mais leur ferme opposition ne figure pas dans les compte-rendus de cette réunion. Pour les actions à venir, nous allons, entre les fêtes, diffuser un second tract déjà prêt, et parallèlement encourager toujours plus de villageois, à afficher pancartes et banderoles. Nous organiserons également une conférence et une marche citoyenne, en vue de rallier aussi d’autres communes à notre lutte.

Pascale Lips, merci pour vos réponses !

La mobilisation du collectif QVSE ira-t-elle jusqu’à la création d’une ZAD à Steinbourg ? Va-t-elle rassembler au delà du périmètre des localités directement impactées ? Les citoyens impliqués trouveront-ils des relais et des appuis ? Eurojournalist s’engage à suivre l’affaire, afin de rendre compte à nos lecteurs de ses évolutions.

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