Vox versus 8-M

Une fois de plus, à l'instar de l'AfD, son homologue allemand, le parti d'extrême droite espagnol Vox, instrumentalise les processus démocratiques pour les rendre inefficients.

Vox, ce parti politique espagnol d'extrême-droite auquel des femmes adhèrent alors qu'il ne défend nullement leurs droits ! Foto: VOX Valencia / Wikimedia Commons / CC0 1.0

(Jean-Marc Claus) – Alors que le gouvernement espagnol prend l’initiative de faire adopter un projet mettant le non-consentement au centre de la législation sur le viol, projet porté par la Ministre Irene Montero (Podemos) en Charge de l’Égalité – un projet suscitant quelques tiraillements au sein même de la coalition PSOE-Podemos – les parlementaires de Vox, grands amateurs de veto, en profitent odieusement pour empêcher la lecture à l’Assemblée de Madrid d’une déclaration contre les violences sexistes le 8 Mars. Une fois de plus, en Europe, se joue sous nos yeux l’instrumentalisation des institutions démocratiques par une extrême droite particulièrement perverse.

Flash back et traveling arrière : Le gouvernement de coalition PSOE – Podemos présente mi-février un projet de loi intitulé « Sólo sí es sí » découlant du programme de Podemos initialement formulé «No es no» al «Solo sí es sí»

Un projet de loi précisant que le consentement explicite de la victime, non obtenu par son agresseur, doit être au cœur de l’enquête puis de la procédure pour viol. En clair, cette loi ne laissera plus aucune place au supposé consentement implicite, et donc, aux arguties machistes du genre : « Elle l’a bien cherché avec sa tenue et son attitude aguicheuses. ». On se souviendra de la tragique affaire de La Meute, où à Pampelune, lors des fêtes de San Fermin en Juillet 2016, cinq hommes âgés de 24 à 27 avaient violé tour à tour et à plusieurs reprises une jeune femme âgée de 18 ans. Leur avocat, ne reculant devant rien, avait alors argumenté que la victime n’ayant ni crié ni résisté, les jeunes hommes ne pouvaient pas se rendre compte qu’elle n’était pas consentante. Cela s’est soldé en avril 2018 par un verdict qui a mis la justice en porte-à-faux total avec la société : neuf ans de prison pour abus sexuel et non pour viol…

Décision confirmée en décembre 2018 par la Cour d’Appel, qui a  eu le front d’affirmer qu’il était trop difficile de déterminer s’il y avait eu intimidation. Tout le monde sait qu’une jeune femme de 18 ans, face à cinq gaillards ayant entre 24 et 27 ans, de surcroît avinés, n’a aucune raison de se sentir intimidée !

La loi doit être réformée et le gouvernement Sánchez s’y est attelé. Il devient nécessaire d’appeler un viol un viol et un violeur un violeur. Le terme trop flou d’abus doit laisser place à celui, bien plus précis, d’agression. L’absence de consentement explicite de la victime succède à la nécessaire démonstration de sa soumission, notion qui antérieurement laissait une grande de manœuvre à la défense des violeurs. Il faut absolument sortir de ce paradigme imposant à la victime de démontrer qu’elle s’est alors trouvée dans une situation où sa seule soumission lui permettait de préserver sa vie. Nous avons bien vu ce à quoi a aboutit le procès de La Meute.

Ce projet de loi, comme dit précédemment, suscite début mars quelques tiraillements au sein de la coalition PSOE – Podemos. Le Ministre de la Justice Juan Carlos Campo (PSOE), retoque le texte porté par la Ministre en Charge de l’Égalité Irene Montero (Podemos), au motif qu’il ne prévoit pas les mécanismes nécessaires à assurer son application et empiéterait sur la loi contre les violences de genre (LIVG) votée en 2004, sous le Gouvernement Zapatero. Les mots « machistes » et mieux encore « machistes frustrés », sont lâchés par Pablo Iglesias (Podemos) dans le débat. Adriana Lastra, numéro deux du PSOE, intervient pour calmer le jeu en précisant que le gouvernement est féministe. Le Ministre de la Justice Juan Carlos Campo (PSOE) se défend en arguant qu’il lui importe de rendre le projet de loi le plus parfait possible. Pablo Iglesias (Podemos), lui, précise que ses attaques ne le visent pas personnellement. La commission de suivi, créée par la coalition lors de la formation du gouvernement, est convoquée. C’est le psychodrame, les uns accusant les autres d’avoir trop peu d’ambitions réformatrices, et les autres qualifiant les uns de novices en matière d’expérience de parti de gouvernement. Des tensions que n’ont pas manqué pointer avec férocité les opposants du Parti Populaire (PP). C’est à noter pour la suite de l’histoire.

Vox trouve sa voie et veut faire taire les autres – Dans ce climat fragilisant l’unité à Gauche, le parti d’extrême droite Vox, réussit un nouveau coup de Jarnac. Dans la perspective du 8 Mars, Journée Internationale du droit des Femmes appelée en Espagne 8-M, et du 11 Octobre Journée Internationale de la Fille, une déclaration institutionnelle contre la violence sexiste doit être prononcée à l’Assemblée de Madrid. Déclaration qui, pour se faire, nécessite préalablement l’unanimité des formations politiques qui composent l’hémicycle. Évidemment, se défendant de toute stratégie d’obstruction, Vox s’oppose à cette déclaration commune, mettant en avant sa liberté de refuser un texte après l’avoir examiné. A fortiori quand il s’agit de sujets purement idéologiques (dixit). Allons donc, ainsi aurions nous d’un côté les démago-idéologues et de l’autre les populo-réalistes ? Vox défendrait alors une conception plus saine de la société et plus juste du débat ? Évidemment, les textes alternatifs proposés par Vox ne sont jamais retenus. Alternatifs comme les désormais fameux « alternative facts », si chers à la dialectique trumpienne ! César Zafra, porte-parole adjoint de Ciudadanos (Cs), le parti qui ne s’est pas opposé au Veto Parental promu par Vox en Murcie, précise dans l’édition du 18 février 2020 d’El País, que ce parti est animé par le désir de jouer un rôle de premier plan, alors qu’il est incapable de résoudre les vrais problèmes. En effet, ce parti nostalgique du franquisme, n’en est pas à son coup d’essai. A plusieurs reprises il a, comme l’AfD en Thuringe, instrumentalisé les processus démocratiques pour les rendre inefficients.

Cela n’empêche pas des représentantes des groupes parlementaires madrilènes de gauche, Más Madrid, Unidas Podemos et du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE), associées à une représentante du groupe centre-droit Ciudadanos (Cs), de lire publiquement une déclaration commune mais, comme le rapporte l’édition du 5 mars 2020 d’El País, dans les couloirs et non dans l’hémicycle de l’Assemblée de Madrid. L’opposition de Vox à l’adoption de ce texte est, quoi qu’il en dise, indirectement cautionnée par le Parti Populaire (PP) qui ne soutient pas sa lecture hors de l’hémicycle. Son porte-parole, Alfonso Serrano, ne participe pas à cette initiative car, argument spécieux, les déclarations institutionnelle doivent se faire au sein de l’Assemblée ! Bien sûr, jamais, au grand jamais, un petit parti populiste d’extrême droite, n’a et n’aura d’influence sur un grand parti républicain de droite !

Reprenons maintenant tous en cœur :

Un oranger sur le sol irlandais,
On ne le verra jamais.
Un jour de neige embaumé de lilas,
Jamais on ne le verra.

Qu’est ce que ça peut faire ?
Qu’est ce que ça peut faire ?

Un gouvernement fasciste sur le sol espagnol,
On ne le reverra jamais.
Un Guernica entouré de vivas,
Jamais on ne le reverra.

Qu’est ce que ça peut faire ?
Qu’est ce que ça peut faire ?

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