De ce confusionnisme proche-oriental

La situation conflictuelle du Proche-Orient ne risque pas de s’améliorer, tant que s’y affronteront des conceptions religieuses du monde, brouillant les cartes à souhait, entretenant les antagonismes et suscitant les pires exactions.

Les enfants de quelle génération verront la paix au Proche-Orient ? Foto: Nizzan Cohen / Wikimedia Commons / CC-BY 4.0

(Jean-Marc Claus) – Afin d’appréhender le plus sainement possible le conflit se déroulant actuellement au Proche-Orient, faire preuve de discernement quant à l’emploi de mots tels qu’antisémitisme et antisionisme, est une condition nécessaire, mais non suffisante. Loin s’en faut, car ce qui rend le climat particulièrement malsain, tant là-bas que sur d’autres continents où cet embrasement tend à s’importer, c’est un certain confusionnisme qu’il soit intentionnel ou involontaire, mais ne restant jamais sans conséquences.

Terre ou chacun des trois grands monothéismes y a ses intérêts, l’ancienne Philistie, devenue Pays de Canaan, mais aussi Palestine et Israël, sans oublier les États Latins d’Orient aux temps des Croisades, est pour le plus grand malheur de ses habitants, incluse dans une conception religieuse du monde. Religieuse et même théocratique, selon les chapelles auxquelles on se réfère.

Aussi bien des juifs orthodoxes tenants du Grand Israël, que des musulmans inféodés au Hamas voulant la destruction de l’État dut Hébreux, que des chrétiens évangéliques ayant pour seule grille de lecture de la géopolitique mondiale le recueil de cartes anciennes placé à l’arrière de leurs bibles, voient-ils chacun midi à leur porte. Sur ce terrain où des minorités agissantes parlent fort, face à des majorités silencieuses et surtout pour occuper l’espace du débat, des politiques carriéristes et électoralistes viennent chercher de possibles courants ascensionnels.

Spectacle pitoyable sur fond d’impitoyable cruauté, tous les ingrédients sont réunis pour que rien ne cesse, car trop d’intérêts particuliers entrent en jeu. D’où la nécessité pour certains, sous couvert de prétendu choc civilisationnel, de donner à ce conflit un caractère religieux disant et ne disant pas son nom, car dans les guerres de religions, l’intelligence n’est jamais mise au service de la paix.

Par ailleurs, l’entretien d’un conflit à connotation religieuse, reste toujours un bon moyen pour le pouvoir de se maintenir en place. Tel fut le cas de Louis XIV, qui, avec la révocation de l’Édit de Nantes, signé par son grand-père Henri IV pour mettre fin aux guerres de religions opposant catholiques et protestants, raviva des hostilités anciennes en vue d’unifier le pays autour de sa personne. Ce qui eut entre autres effets, la fuite de nombreux talents et cerveaux vers des pays plus accueillants.

Tant que la religion, quelle qu’elle soit, restera une composante majeure d’un conflit géopolitique, la raison ne sera pas au rendez-vous de la recherche de solutions, et la paix aura le caractère abstrait d’une vague promesse pour l’au-delà. Cette terre, si lointaine et si proche à la fois, que se disputent Israéliens et Palestiniens, appartient premièrement à l’Humanité entière. Ne fait-elle pas partie de cette grande région du monde où se trouvent les berceaux de nos civilisations  ?

Justifier de prétendus droits sur qui ou quoi que ce soit, au nom d’un livre tenu pour saint quel qu’il soit, constitue un indéniable choix pour l’arbitraire et un inévitable glissement vers l’obscurantisme. L’État d’Israël n’a pas été créé en référence aux textes bibliques, mais suite à la Shoah et dans le prolongement d’un projet antérieur. Relire la Résolution n°181 de l’Assemblée Générale de l’ONU, peut éclairer à ce propos.

Mais comme les vampires, les tenants du confusionnisme proche-oriental, fuient la lumière. Comme pour le conflit russo-ukrainien, les marchands de canons n’ont aucun intérêt à la pacification du Proche-Orient. Dans son texte intitulé « Socialisme et religion » publié en 1905, Lénine pointait que « La bourgeoisie réactionnaire a partout eu soin d’attiser les haines religieuses », et c’est pourquoi il affirmait très justement : « Oublier que l’oppression religieuse de l’humanité n’est que le produit et le reflet de l’oppression économique au sein de la société serait faire preuve de médiocrité bourgeoise. ».

Que celui qui a des oreilles pour entendre entende, dirons-nous en reprenant un célèbre aphorisme, prononcé en son temps par un charpentier trentenaire barbu, qui au Proche-Orient parlait en araméen pour s’adresser aux foules et ne cautionnerait pas les luttes de pouvoir qui s’y jouent actuellement et les atrocités en découlant inévitablement…

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