Grève des enseignants au Portugal

Face à l’obstination du Ministre de l’Éducation Tiago Brandão Rodrigues, refusant depuis janvier tout dialogue, les enseignants portugais étaient en grève le 11 décembre 2020.

L’École Primaire de Vinha da Reinha, au centre-ouest du Portugal. Foto: Joehawkins / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Jean-Marc Claus) – Au Portugal, selon une récente enquête en ligne de la Fédération Nationale des Professeurs (Fenprof), 90% des 5.218 enseignants interrogés aimeraient faire valoir leurs droits à la retraite de manière anticipée. Estimant travailler plus que la durée légale des 35 heures hebdomadaires, ils sont favorables à la création d’un régime de préretraite. La progression de carrière fait aussi l’objet de revendications, de même que le mode de recrutement des enseignants et le transfert des compétences vers les communes. Ce transfert leur faisant craindre l’arrivée progressive du secteur privé dans ce qui doit demeurer public.

Des revendications portées par un mouvement de grève mené le 11 décembre, auquel les 150.000 enseignants, de la maternelle au secondaire, étaient invités notamment par la Fenprof. Cette dernière accuse le Ministre de l’Éducation de refuser toute négociation. Tiago Brandão Rodrigues ne peut plaider la nouveauté dans la fonction et encore moins la découverte récente du dossier, car il est ministre en charge de l’éducation depuis Novembre 2015, c’est-à-dire dès le premier Gouvernement Costa. Proche du Parti Socialiste (PS), il devrait honorer les valeurs de la démocratie. Ce dont doute fortement Mário Nogueira, le secrétaire général de la Fenprof, lui reprochant notamment son incapacité à dialoguer.

La grève du 11 Décembre 2020 n’était pas pour lui la mère de toutes les grèves (a mãe de todas as greves), mais un moment dans une lutte qui se poursuit. Il demande également à ce que les enseignants de plus de 50 ans soient inclus dans la seconde phase de la campagne nationale de vaccination contre la Covid-19.

Selon Manuel Nobre, le président du Syndicat des Professeurs de la Zone Sud (SPZS), cette grève a été bien suivie dans la Région de l’Alentejo où les taux de participation sont allées de 25% à 100%, occasionnant ainsi la fermeture de certaines écoles. Lui aussi, accuse le ministre Tiago Brandão Rodrigues de manquer de sens démocratique, les sollicitations des organisations syndicales  n’aboutissant en rien depuis janvier.

José Costa, le président du Syndicat des Professeurs du Grand Lisbonne (SPGL), affirmait que le refus du ministre de recevoir les organisations syndicales représentatives est sans précédent dans une démocratie (inédito em democracia). Déterminé à poursuivre la lutte, il qualifiait cette journée de grève de démonstration de la capacité de mobilisation des enseignants, fut-ce en période de pandémie virale. Isabel Camarinha, secrétaire générale de de la Confédération Générale des Travailleurs Portugais (CGPT), a  apporté aux enseignants mobilisés, le soutien de la plus grande organisation syndicale du pays.

Les revendications des enseignants ne sont pas « exclusivement catégorielles », comme d’aucuns aiment à le dire à chaque mouvement de grève. Aux mesures prophylactiques, rendues nécessaires par la pandémie de Covid-19, le ministère ne fournit pas les moyens adéquats. Ainsi, dans certaines écoles, ce sont les enseignants et les élèves qui en assurent quotidiennement la mise en œuvre. En clair, après les cours, c’est désinfection et ménage  pour tous car, soit les « auxiliaires » (ATSEM en France) ne sont pas en nombre suffisant, soit il n’y a en tout simplement pas.

Il ne serait pas juste de dire qu’au Portugal rien n’a été fait jusqu’ici dans le domaine de l’enseignement. De 2012 à 2015, au classement international Pisa évaluant les acquis des élèves de 15 ans en lecture et sciences, le pays est passé de le 31e à la 22e place, alors que dans la même période, la France reculait d’un rang pour se placer au 27e rang. Ces performances furent alors qualifiées d’historiques par les analystes de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE).

Depuis le début des années 2000, les neuf gouvernements successifs se sont investis à des degrés divers dans l’éducation des jeunes enfants et la formation des professeurs. Mais comme pour les infirmières et infirmiers, concernant la question des rémunérations, des contrats de travail et des progressions de carrières, il en va tout autrement. Ces professionnels, majoritairement investis dans leurs missions de service public, ne peuvent se contenter d’une petite tape amicale sur l’épaule, et encore moins d’un refus de dialoguer.

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